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sil : sur mille volontaires lombards qui sont partis pour la Sicile avec Garibaldi, cinq cents étaient des gens de lettres.

Ces élections de 1860 ont été belles à voir. Les électeurs y apportaient une grande foi, un grand recueillement. Des cercles électoraux préparaient les listes de candidats dans des séances sérieuses, animées sans tumulte. Il fallait à tout prix éclairer le public sur les personnes de ces hommes inconnus; mais les personnalités se discutaient avec courtoisie. Quant aux candidats, ne croyez pas qu’ils se présentassent en foule. Une modestie honorable écartait beaucoup de gens. Il fallait que les cercles prissent l’initiative de certaines candidatures. Tel avocat, tel homme d’affaires, attaché à sa province par une profession dont vivait sa famille, hésitait à abandonner son gagne-pain. Les uns se résolvaient noblement à ce sacrifice dès qu’on leur persuadait que leur travail serait utile au parlement. Les autres, après de pénibles alternatives, cédaient à la voix du devoir domestique; le spectacle de leur lutte intérieure et de leur renonciation n’était pas le moins touchant; on sentait si bien que les uns comme les autres, élevés par les circonstances au-dessus des calculs de l’ambition, n’obéissaient qu’au cri de leur conscience!

Sans doute, pour un esprit railleur, cette aimable inexpérience politique donnait prise aux plaisanteries. A côté du désintéressement, on voyait quelquefois le zèle enfantin et maladroit, u Le besoin d’un parlement est si violent chez quelques-uns, disait le journal la Perseveranza, que, s’en trouvant exclus, ils se rejettent sur le conseil communal pour ne pas tomber malades. Devant cette ardeur, la pauvre junte municipale[1] a beau dire : Vous m’avez élue hier vous-même: bientôt mon mandat expire, et je m’en vais. Peu importe. La junte est un pouvoir, donc il faut s’en défier, et il est nécessaire qu’il y ait une opposition... Et puis les commissions sont le terrain où se mesurent les passions politiques; s’agit-il de la pension d’un allumeur de réverbères ou du tracé d’une rue, soudain les groupes politiques se forment et se disputent pour élire les représentans de l’alliance française ou les adversaires de la cession de Nice... On a bien vu d’ailleurs que la chose était sérieuse, quand, dès la première séance, un orateur n’a demandé rien moins que des sténographes. » Certes, en arrivant au parlement, quelques députés éprouvaient le besoin de se faire entendre : il y avait là quelques enfans terribles, qui n’avaient de cesse qu’ils n’eussent attaqué le ministère; mais personne ne s’est jamais alarmé sérieusement de leur fougue juvénile. Le comte de Cavour, qui est dans la chambre

  1. La junte municipale est une sorte de pouvoir exécutif composé de dix membres, pris et renouvelé chaque année dans le sein du conseil communal. Elle ne fonctionne que dans les grandes villes.