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de lire les solutions générales l’emportent sur les solutions particulières.

Ainsi le prince Pitzipios propose comme solution générale son empire byzantin; que l’Europe l’adopte, et le sort de l’Orient est fixé et réglé. L’empire grec d’avant 1453 est rétabli avec une dynastie musulmane ou chrétienne, rétabli plus puissant et plus actif qu’il n’était, mais toujours plus byzantin qu’hellénique, je le crains du moins, et je ne veux pas en ce moment exprimer mes craintes sous une autre forme. Comme M. Pitzipios est Grec et par conséquent plein de finesse et de sagacité, il est curieux de voir combien d’idées ingénieuses et combien d’idées justes il mêle à sa théorie pour la faire mieux accueillir. Et d’abord il sait bien qu’on ne peut pas fonder un état sur le Bosphore sans risquer de déplaire beaucoup à l’Angleterre. Aussi M. Pitzipios s’empresse de mettre son empire byzantin sous le patronage de l’Angleterre. Il prouve même que c’est un agent diplomatique de l’Angleterre en Orient qui a eu le premier l’idée de substituer un empire chrétien à l’empire turc. « Dès 1795, le chevalier Éton avait démontré, dit M. Pitzipios, dans un rapport au parlement anglais, qu’il était indispensable au grand avenir de l’Angleterre que la restauration inévitable de l’empire byzantin fût faite sous les auspices de la Grande-Bretagne, et que cette restauration ne saurait se faire que par l’élément des chrétiens indigènes de ce pays[1]. » Ainsi cette régénération de l’Orient par l’Orient lui-même, cette doctrine que croyaient avoir inventée quelques écrivains de ce côté-ci de la Manche, est une idée anglaise, et mille fois tant mieux, si son origine peut lui acquérir les sympathies de l’Angleterre, si, sachant bien qu’il n’y a rien de français dans cette régénération de l’Orient chrétien, l’Angleterre se corrige de sa prédilection pour les Turcs, si les argumens de M. Pitzipios lui font voir de bon œil la fondation d’un état maritime sur le Bosphore. J’en doute un peu, voyant la mauvaise humeur que l’Angleterre a constamment témoignée au royaume du roi Othon, tout petit qu’il est, coupable seulement d’avoir une marine active et florissante. Je l’espère un peu, d’un autre côté, voyant la faveur toute particulière que l’Angleterre accorde à la création du royaume italien, qui ne peut être aussi qu’un royaume maritime. Il est vrai que ce royaume Italien est destiné, dans la pensée de ceux qui applaudissent à sa fondation, à nous ôter notre ascendant dans la Méditerranée occidentale. Aussi, loin de nous étonner de la faveur de l’Angleterre pour le royaume que la maison de Savoie est, dit-on, en train de fonder sur toutes les côtes de la Méditerranée, depuis le golfe de Gênes jusqu’au golfe de Tarente, et depuis le golfe de Tarente jus-

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