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Est-ce très étonnant ? Non, la vie n’est pas possible dans ces conditions ; il est tout simple que le développement, spontané ou non, ne le soit pas davantage. Même lorsqu’il n’intervient pas comme agent chimique, l’air a des effets qu’on ne peut expliquer. Certains sels ne cristallisent point sans lui : de même certaines combinaisons chimiques ne s’accomplissent pas en l’absence de corps qui ne jouent aucun rôle direct, certaines décompositions sont produites par des substances qui n’interviennent pas directement dans la réaction. Si l’air est confiné, c’est-à-dire ne se renouvelle pas, la production d’animalcules est lente, et ces animalcules sont très simples, peu nombreux, et ils meurent très rapidement, comme il arriverait dans les mêmes circonstances à des animaux plus parfaits. D’autres gaz leur sont funestes, comme l’hydrogène ou l’azote. Ici vraiment l’objection contre M. Pouchet se présente naturellement, et l’on est bien porté à croire avec Spallanzani que l’air apporte les germes, et que s’il n’y a point de développement dans le vide et peu dans l’air confiné, c’est que dans le premier cas l’air n’a pu apporter de germes, dans le second qu’il en a peu apporté. Vainement vient-on nous dire que cet amas de germes serait si énorme que la transparence de l’air en serait altérée, que nos mouvemens mêmes en seraient empêchés. Vainement calcule-t-on que chaque millimètre cube d’air renfermerait 6 milliards 250 millions d’œufs, et qu’un pareil amas de matière organique réfracterait si fortement la lumière que nous nous en apercevrions nécessairement, si nous n’étions pas d’avance aveuglés par eux. Il y a mille phénomènes, mille théories, mille faits qui présentent des impossibilités apparentes de ce genre par l’excès de la grandeur ou l’excès de la petitesse, et qui sont véritables pourtant. D’ailleurs peu de germes de chaque espèce suffiraient si ces êtres se reproduisent aussi vite que ces insectes dont la vie est si courte, et qui voient pourtant au-dessous d’eux se succéder plus de générations que n’en virent Jacob et Mathusalem.

Les expériences instituées pour répondre à cette très sérieuse objection sont nombreuses, et l’on voit combien elles sont difficiles, combien le résultat en est contestable. On peut toujours croire, lorsque les animalcules n’apparaissent pas, que les conditions du phénomène de l’hétérogénie n’étaient pas remplies, et comme ces conditions ne sont pas connues, cette raison est toujours spécieuse. On peut dire aussi, lorsqu’ils vivent, que l’air mal purifié apporte des germes en petit nombre. C’est aussi à la purification de l’air que l’on a tout d’abord pensé, et M. Pouchet, avant de le laisser en contact avec ses infusions, lui a fait traverser des tubes chauffés au rouge ou des acides dont le seul contact détruit toute matière organique. Dans ce cas encore, des microzoaires en petit nombre ont apparu, et il est