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officiers qui surveillaient d’un œil inquiet le mouvement du défilé ; mais la fière tenue et la marche imposante des nouveaux bataillons semblaient défier la critique. D’abord passa la cavalerie : elle était peu nombreuse ; on admira pourtant le 1er Huntingdonshire, remarquable par la beauté des chevaux et le maintien des gentilshommes, tous le sabre au poing, la carabine au dos. L’artillerie à cheval et à pied excita un murmure d’enthousiasme et une salve d’applaudissemens, à laquelle répondit le roulement sourd des canons. C’était maintenant le tour de l’infanterie ; tous les regards se portèrent sur les six foot volunteer guards, véritable compagnie de géans, sur le corps des artistes, sur le régiment du diable, Devil’s own, composé de légistes, sur le London Scottish, que précédait une musique écossaise, et dont une compagnie portait le kilt, sur le London Irish, sur les Robin Hood’s de Sherwood, et sur divers autres régimens qui étonnaient par leur costume et leur air martial. Le champ de manœuvres présentait en ce moment une scène émouvante : la reine, entourée de la nouvelle armée dont la nation venait de lui faire cadeau, semblait accablée et ravie par la grandeur de cette démonstration populaire. La musique militaire venait de jouer l’hymne national, qui termine ici toutes les cérémonies publiques. Le charme de la discipline était maintenant rompu ; les volontaires, qui avaient obéi à l’ordre du jour en se montrant jusque-là silencieux comme des statues, éclatèrent en un immense hourrah. Des cris assourdissans s’élevèrent de toutes les colonnes ; les carabines remuèrent, et les shakos s’agitèrent dans l’air. À ce mouvement la foule répondit en poussant une acclamation énergique, répétée une dernière fois par les volontaires. Le long des tribunes, les chapeaux et les mouchoirs ondulaient sur une ligne immense. Cet échange enthousiaste de sentimens fraternels entre les volontaires et la multitude, ces armes qu’on voyait briller pour la première fois depuis un demi-siècle dans la main des citoyens, ce rempart de baïonnettes qui s’était librement formé autour du trône et des institutions britanniques pour répondre à de vagues rumeurs de guerre, cette armée éclose d’hier et dont les évolutions avaient surpassé toute attente, n’était-ce point assez pour enivrer l’amour-propre national ? Il y avait là un grand et beau spectacle, non-seulement pour les Anglais, mais pour tout étranger qui était venu chercher en Angleterre une patrie dans la liberté.

Aux yeux de tous, cette revue était un événement politique. La paix, disait-on autour de moi, venait de remporter une grande victoire. La foule s’écoula sous cette impression solennelle. En revenant, je trouvai sur mon passage les traces de destruction qu’avait laissées la curiosité violente du mob. Quelques branches d’arbre s’étaient brisées sous le poids des intrépides grimpeurs, des barrières de fer avaient cédé à la pression de la foule, et en face d’Hyde--