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armes, et musique en tête, vers les casernes de Régent’s-Park pour y faire l’exercice. Emue du ferme maintien et de la bonne discipline de ces nouveaux soldats, elle annonça l’intention de contribuer de sa bourse à une institution aussi noble que celle des volontaires. Non contente de remettre au trésorier une somme d’argent, elle demanda en outre à être inscrite comme souscripteur annuel ou comme membre honoraire de la compagnie. Il fallait pour cela savoir son nom et son adresse. « Écrivez, dit-elle, lady Franklin. » C’était en effet la veuve, du célèbre navigateur, dont une expédition récente a retrouvé les restes dans les mers de glace. Beaucoup d’autres femmes de distinction aidèrent ainsi de leurs largesses à la formation des nombreux rameaux qui composent aujourd’hui l’armée civile[1]. Jusqu’ici n’apparaît en rien la main de l’état ; le corps est organisé ; il jouit déjà d’une vie indépendante, lorsque, pour passer à l’existence officielle, il réclame l’autorisation du gouvernement. Les différens groupes de volontaires se trouvent placés, par l’acte de George III et par la circulaire du ministre (1859), sous la surveillance du lord-lieutenant des comtés. Ce lord-lieutenant est un magistrat civil à peu près inamovible, dont les fonctions pourraient être assimilées à celles de nos préfets. C’est par son entremise que la demande du corps de volontaires en voie de formation doit passer sous les yeux du ministre de la guerre.

Les seules difficultés sérieuses qui se soient élevées jusqu’ici entre les lords-lieutenans et certains corps de volontaires se rapportent à la nomination des officiers. D’après l’acte de George III, tous les officiers doivent tenir leur commission des mains du premier magistrat civil du comté. Cette disposition de la loi parut généralement ne point être en harmonie avec le progrès des mœurs et avec l’esprit démocratique du mouvement. Dans le plus grand nombre des compagnies, sinon dans toutes, le principe de l’élection fut appliqué à différens degrés. Ici le comité proposa une liste de noms à l’adoption des membres de la compagnie ; là les volontaires nommèrent directement leurs chefs par voie de scrutin. Il était d’ailleurs sous-entendu que ce libre choix serait soumis, selon la volonté de la loi, à l’approbation du lord-lieutenant : il en fut ainsi ; mais dans certains comtés le lord-lieutenant refusa de confirmer l’élection d’ar-

  1. Un autre moyen de recueillir des fonds est de donner des représentations dramatiques au bénéfice de l’œuvre. J’ai assisté dans lyceum-Theatre à une soirée d’amateurs, les membres de la compagnie d’artillerie, qui se proposaient ainsi de venir au secours du national rifle association. Ils jouèrent trois ou quatre pièces, à la suite desquelles une actrice, miss Kate Terry, sous le costume de la Grande-Bretagne, vint réciter des vers héroïques composés par M. Tom Taylor, capitaine d’un corps de volontaires. La jeune déesse compara les fils de la vieille Albion aux fils de l’Helvétie, et dit qu’elle espérait bien, au jour du danger, les trouver aussi fermes derrière leurs récifs de craie que les descendans de Guillaume Tell derrière la forteresse des Alpes.