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permission toute spéciale du gouverneur, l’amiral sir Gordon, ils entrèrent, couleurs déployées et musique en tête, dans le vénérable édifice qui domine les bords de la Tamise. On devine la joie superbe de ces adolescens ; mais ce qu’il y avait de plus curieux était l’émotion des vieux marins, presque tous mutilés au service de l’état, à la vue de cette ardeur martiale du premier âge qui leur rappelait une ombre à jamais évanouie pour eux, la jeunesse. Dans plusieurs grandes écoles, comme à Eton-College et à Rugby-School, il s’est constitué de semblables régimens parmi les élèves. La première de ces institutions recevait dernièrement ses couleurs de la main d’une lady. Le bataillon, au nombre de trois ou quatre cents enfans, en uniforme de serge grise, avec des paremens d’argent, s’avança, conduit par les fifres et les tambours des Coldstream-guards, sur le terrain des récréations, où les jeunes soldats se formèrent en carré et saluèrent leurs drapeaux en présentant les armes. Ailleurs on pourrait craindre que ces corps de cadets ne fissent tomber le mouvement en enfance ; mais en Angleterre, où l’on prend au sérieux les choses sérieuses, ce danger n’existe point. Ce que se proposent les Anglais en instituant des compagnies juvéniles est d’inculquer de bonne heure aux enfans le goût des exercices militaires, l’usage des armes à feu et le sentiment de la discipline, pour qu’arrivés à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans, ils considèrent le devoir de servir à titre de volontaires comme une-dette naturelle qu’ils ont contractée envers le pays. Ces corps de cadets sont les pépinières de l’organisation. La vue de ces adolescens jouant aux soldats avec une gravité amusante fait naître chez le physiologiste plus d’une réflexion. Les dispositions guerrières qui signalent dans l’histoire les races jeunes et barbares ne se retrouveraient-elles point chez les enfans des races civilisées ? L’homme ne ferait-il ainsi que reproduire dans son développement les divers états de l’humanité ?

Pour juger de l’intensité du mouvement, il ne faut point encore arrêter sa vue à l’Angleterre. C’est surtout en Écosse que le nouveau système de défense a poussé de profondes et nombreuses ramifications. À Édimbourg, à Glasgow, dans dix autres villes, toutes les classes de la société sont accourues sous les armes. On a pu se faire une idée, il y a quelques mois, de la popularité de cette institution, qui s’est encore beaucoup étendue depuis ce temps-là. Je parle de la revue qui eut lieu à Édimbourg, au mois d’août 18(50, dans le parc de Holyrood, et qui fut comme la contre-partie de la revue d’Hyde-Park. Dans ce vieux i)arc écossais, où les souvenirs de notre histoire se mêlent aux chroniques de la patrie de Walter Scott, plus de 21,000 hommes dénièrent sous les yeux de la reine. Il y avait sur le terrain environ cent cinquante corps, massés en trente--