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à la première alarme, une ceinture de tirailleurs. Des corps de riflemen s’étant formés en grand nombre depuis ce temps dans les comtés du centre, ce ne sont plus seulement les côtes, mais tout le pays qui se trouverait hérissé au besoin d’une haie de baïonnettes. On compte alors sur le concours des riflemen pour appuyer les mouvemens des troupes anglaises, éclairer le terrain, livrer des escarmouches, harceler les flancs de l’ennemi, couper les routes, opposer en un mot des obstacles de toute sorte à la marche d’une armée envahissante. Surtout qu’on n’isole pas leurs services du système général de défense. Nous avons parlé des forteresses qui se construisent sur les points les plus vulnérables de l’île, et que les Anglais considèrent comme les clés de pierre de l’indépendance britannique : derrière un mur, tout le monde est soldat ; une partie des volontaires pourrait donc garder les forts et décharger de ce devoir les miliciens, qui se trouveraient ainsi en mesure de tenir la campagne. Si même plus tard le plan de Cromwell s’exécute, si, comme il en est grandement question, le cœur de la nation se couvre d’une cuirasse de pierre, si Londres s’entoure d’une demi-douzaine de forts détachés, n’y aura-t-il point de quoi occuper, en cas d’attaque, le zèle et la bonne volonté des citoyens armés ? L’ambition d’un grand nombre de volontaires, je dois le dire, aspire à un ordre de services encore plus directs, et ce n’est pas moi qui chercherai à décourager leurs efforts. Ils me répondraient avec le vieux poète anglais George Herbert : « Celui qui vise le ciel atteint plus haut que celui qui vise un arbre. » Ils ne se proposent pas moins que d’entrer en ligne avec les troupes régulières. Faut-il ajouter qu’ils n’épargnent ni le temps ni la peine pour apprendre en conscience le métier de soldat ? La dernière fois que je visitai le camp d’Aldershott, je rencontrai trois gentlemen qui s’étaient soumis depuis quelques semaines à la couche dure et à toutes les privations pour étudier à la source les manœuvres et les exercices militaires.

Quelle est la véritable position des volontaires vis-à-vis de l’état et la nature des devoirs qu’ils contractent ? C’est là un dernier point qu’il nous faut éclaircir. En temps de paix, ils constituent une force tout à fait distincte de l’armée régulière. Quoique formée sous certaines conditions et rattachée à l’état par des liens que nous avons indiqués, l’institution est indépendante. On pourrait l’envisager comme une sorte de compagnie d’assurance contre l’invasion étrangère. Les membres de cette association armée ne perdent rien de leur individualité en s’incorporant sous le drapeau de la défense du pays. Ils peuvent même se retirer après avoir prévenu quinze jours d’avance. L’idéal des Anglais est d’avoir sous la main une armée de soldats à la fois disciplinés et libres. Un dévouement sans organisation et sans système serait sans doute plutôt fait pour illustrer une