Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faisaient entendre continuellement des menaces de séparation, les autres s’attachaient à raviver sans cesse une lutte déplorable. Le seul moyen de préserver la confédération d’un schisme était de mettre en pratique le principe fondamental de la constitution, la souveraineté du peuple, et de laisser partout et en toute circonstance la majorité des citoyens établir ou rejeter l’esclavage. C’était le seul moyen de réduire à l’impuissance les séparatistes du nord et du sud. » Toutes les villes importantes des états à esclaves furent nécessairement visitées par M. Douglas, et grâce aux combats de parole qu’il engageait presque quotidiennement avec les partisans de M. Breckinridge, cette lutte intestine empruntait à sa présence un surcroît de vivacité et d’intérêt.

Telle était donc la situation des partis américains à la suite des luttes ardentes qui avaient précédé la nomination de leurs candidats : le choix des républicains ralliait les classes conservatrices et tous les adversaires de l’esclavage : les unionistes, faute d’adopter un programme précis, n’inspiraient de confiance à personne. Restaient les démocrates, divisés en deux fractions, celle du sud appuyant M. Breckinridge, celle du nord soutenant M. Douglas, toutes deux contraires à l’intérêt véritable du parti qu’elles divisaient. La campagne électorale vint mieux montrer encore de quel côté la faveur du pays allait se porter ; elle s’ouvrit par un succès pour les républicains. On apprit tout à la fois que le général Lane, candidat des démocrates du sud à la vice-présidence, venait de perdre son siège au sénat à la suite d’une défaite des démocrates dans l’Orégon, et que M. Frank Blair venait d’être réélu représentant par Saint-Louis du Missouri. C’était une première élection de M. Blair qui avait produit, trois ans auparavant, une si profonde sensation, lorsqu’à l’étonnement universel la capitale d’un état à esclaves avait choisi pour représentant au congrès un adversaire prononcé de l’esclavage. Aux élections suivantes, un démocrate l’avait emporté de quelques voix : M. Blair réussit à prouver que son échec était le résultat de fraudes électorales nombreuses, et dans les derniers jours de la session de 1860 la chambre des représentans avait reconnu son droit à siéger à la place de son concurrent. Comme la période pour laquelle il avait été élu devait expirer avant que le congrès se réunît de nouveau, M. Blair donna aussitôt sa démission, afin de pouvoir se présenter immédiatement aux suffrages du peuple, et de fournir à son parti le moyen d’inaugurer la lutte par une victoire. Cette tactique eut un plein succès, et le triomphe d’un candidat républicain dans un état à esclaves fut une première mortification pour les démocrates. Une élection locale avait également lieu quelques jours après dans le Kentucky : l’appui des républicains y donnait à un candidat unioniste l’avantage sur le candidat démocrate. Les hommes du sud s’aper-