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cette visitation il se pourroit traiter quelque bonne chose pour le duc d’Orléans avec le moyen de Landays, lequel l’invitoit si privément à cette visitation. C’étoit le plus beau mariage qui fust pour lors aux royaumes de l’Occident, et de telle amour ces deux seigneurs demeurèrent fort espris, et de faict le jour de Pasques 1484 les ducs d’Orléans et d’Alençon partirent secrètement de Blois, et en peu de jours se rendirent avec petite troupe à Nantes, où le duc François les recueillit avec toute faveur, au point de donner permission au dict duc d’Orléans d’entrer aux prisons et donner grâce à quy il lui plairoit[1]. »

M. Daru a soufflé sur le joli roman des amours du duc d’Orléans avec Anne de Bretagne, et fort bien établi que les entretiens passionnés auxquels nous ont initiés, au XVIIIe siècle, l’historiographe Garnier et l’abbé Iraïl[2] n’étaient guère de mise entre un prince de vingt-six ans et une petite fille de sept; mais il n’a pas été aussi bien inspiré en niant le projet d’union encore lointaine par lequel Landais sut alors amorcer l’ambition du duc. Ce projet est établi par tous les témoignages contemporains, et se trouve authentiquement constaté dans l’acte même qui prononça quinze ans plus tard la dissolution du mariage contracté par ce prince avec Jeanne, fille de Louis XI[3]. Ce n’est pas que Landais fût résolu à laisser conclure ce mariage avec l’héritier du trône de France; on a les plus justes motifs pour penser tout le contraire. Vers la même époque en effet, le grand-trésorier nouait avec Maximilien d’Autriche, veuf depuis peu de Marie de Bourgogne, une négociation matrimoniale chaleureusement poursuivie à la cour de Nantes par le prince d’Orange, neveu de François II par sa mère, et qui fut l’un des auteurs principaux de la perte de Landais. Pendant que ce ministre proposait au roi des Romains, pour prix d’une guerre contre la France, un mariage qui fut en effet conclu quelques années après sa mort, quoique cette union ne dût jamais être consommée, il enseignait à François II l’art, mis en pratique par le duc de Bourgogne, de se faire avec une

  1. D’Argentré, Histoire. L’arrivée du duc d’Orléans en Bretagne et le projet de mariage alors conçu pour le prince sont racontés avec des circonstances plus précises encore par Alain Bouchart, Chroniques de Bretaigne, f. cc.
  2. « Le duc d’Orléans fut bientôt décidé par les offres de Landais. Ces idées ne flattaient que trop son ambition et son amour. Il s’imaginait être sur le point d’obtenir sa maîtresse, et d’avoir la préférence sur tant de rivaux, etc. » Histoire de la réunion de la Bretagne à la France, t. Ier, ch. V.
  3. « In Britanniâ receptus, suum animum manifestans in signum et approbationem promissorum de alio matrimonio, et cùm aliâ muliere contrahendo tractavit, et nuntium fidelem cum instructionibus ad curiam romanam pro provisione super hâc obtinendâ destinavit, quam idem Carolus rex, de iis certificatus, de facto impediret. » — Sentence pour la dissolution du mariage de Louis XII. — Mss. de la biblioth. du roi, collection Dupuy, n° 347.