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Il serait difficile de tirer une conclusion plus juste de prémisses plus étranges. Si le traité de Montargis est un acte coupable, ce n’est point à coup sûr à Landais qu’il faut l’imputer ; ce n’est pas même par les embarras qu’éprouvaient les barons réfugiés à Ancenis que sa conclusion peut s’expliquer, car la régente ne mit pas un pareil prix aux secours financiers et militaires qu’elle s’empressa de faire passer à l’insurrection bretonne. Cet acte fut l’expression très spontanée des sentimens entretenus depuis longtemps par quelques seigneurs. Lorsqu’après le supplice de Landais ces barons eurent reconquis la plénitude du pouvoir à la cour ducale, le traité de Montargis demeura le programme de leur conduite politique, l’expression parfois dissimulée, mais toujours persistante, de leurs vœux. Pendant que la nation bretonne adhérait du plus profond de son cœur à la cause de la princesse dont l’enfance avait été bercée dans les orages, pendant que sa fidèle et modeste noblesse aspirait à verser pour elle la dernière goutte de son sang, Anne ne rencontrait à côté d’elle dans sa cour que des calculateurs égoïstes ou des ennemis implacables.

Convaincu qu’il jouait la dernière partie de son pays contre la France, Landais déploya dans cette lutte suprême une habileté digne à coup sûr d’un meilleur sort. Il mit sur pied, avec une promptitude extraordinaire pour ce temps, les ressources militaires du duché, provoquant par des proclamations tous les Bretons, nobles, roturiers et vilains, à joindre le duc sans retard, afin de l’aider à détruire jusqu’en ses fondemens le nouveau Calais qu’avec l’aide de quelques traîtres la France édifiait alors sur les marches de la Bretagne[1]. Les registres de la chancellerie, déposés aux archives ducales, nous ont conservé les mandemens par lesquels, dans ce pressant danger, François II appela autour de sa personne sa milice, qui en peu de jours lui eut fourni quatre mille hommes, la partie de sa noblesse demeurée fidèle, qui lui apporta le secours de quinze cents lances, et les francs-archers du pays, qui paraissent s’être élevés au chiffre d’environ quinze mille[2]. Toutes ces troupes

  1. Ce sont les paroles mêmes de Landais répondant dans son interrogatoire aux imputations du procureur-général sur le seizième chef d’accusation, c’est-à-dire l’ordre donné par lui de démolir les fortifications d’Ancenis. — D’Argentré, liv. XII, p. 731.
  2. Mandemens du duc pour les monstres générales du pays afin de résister aux ennemis et traistres sujets qui le veulent assaillir, du 1er et du 11 octobre 1484. — Mandement au procureur de Lamballe pour envoyer à l’armée 1, 200 Lamballays, affin d’assiéger Ancenis. — Mandement à Morice de La Moussaye et à Pierre Huguet afin de tenir les monstres générales du diocèse de Rennes, 8 octobre 1484. — Mandement du duc contre Jehan de Challons, Françoise de Dinan, Jehan de Rieux, François de Laval, Louis de Rohan, seigneur de Guémené, Pierre du Pont, Jean de Coatmen, Pierre de Villefranche, etc., retirés en France et tenant Ancenis contre luy, ordonnant de leur courir sus, 3 octobre 1484.