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ses amés et féaux sujets, qui, dans le seul intérêt de son trône et de ses enfans, avaient pris les armes afin de délivrer l’état du gouvernement d’un traître, concussionnaire et assassin, lequel avait entrepris, disait-il, « au non sçu de nous, de mettre et faire cheoir, après notre décès, notre pays, duché et principauté en autres mains que nos vrais et légitimes successeurs, et commis en outre plusieurs énormes et détestables crimes[1]. »

Les faits ne tardèrent pas à donner le véritable commentaire de ces paroles, et à constater les sentimens des chefs de l’insurrection étouffée dans le sang du malheureux trésorier. L’on put s’assurer si c’était à Pierre Landais ou bien aux signataires du traité de Montargis, suivi trois ans plus tard du traité du Verger, qu’il fallait attribuer des intentions menaçantes pour la dynastie de François II. Le résultat presque immédiat de la mort du grand-trésorier fut, ainsi qu’il était naturel de l’attendre, un rapprochement avec la France, qui profitait de la mort du plus persévérant et du plus habile de ses ennemis. Peu de mois après, une sorte de convention fut signée à Bourges entre les ministres de Charles VIII et les trois ambassadeurs de François II, acte étrange conclu par des hommes auxquels manquaient à la fois et la liberté de leurs résolutions et le courage de les avouer. Par cet acte, qu’il faudrait qualifier de trêve plutôt que de traité, toutes les questions relatives à la succession du duché de Bretagne étaient réservées, de manière à laisser le malheureux duc mourir en paix pour que les traîtres n’eussent pas à rougir devant lui de leur trahison[2].

Mais l’entente avec la France ne pouvait être durable, quelle que fût la souple habileté des négociateurs, car d’une part la Bretagne, par l’organe de ses états et le vœu de ses populations, persistait à reconnaître le droit héréditaire des deux filles de François II, de l’autre le duc d’Orléans, en rébellion ouverte contre le gouvernement de la régente, conservait dans ce pays l’attitude et l’influence que lui avait ménagées la hardie politique de Landais. Par un revirement subit dont les secrets mobiles paraissent avoir échappé aux écrivains contemporains, une nouvelle ligue offensive et défensive contre la France fut signée, quelques mois après le traité de Bourges, entre le duc de Bretagne, le duc d’Orléans, le comte de Dunois, Maximilien, roi des Romains, le prince d’Orange, agent de ce souverain à la cour de Nantes, et enfin quelques seigneurs du parti français rentrés en grâce après l’exécution de Landais, et qui commençaient à entrevoir plus d’avantages dans le mariage d’Anne de Bretagne, opéré sous leur influence, que dans une soumission

  1. Déclaration du 12 août 1485, Preuves de dom Morice, tome II, col. 471.
  2. Traité de Bourges du 12 novembre 1485. Preuves de dom Moricc, tome III, col. 485.