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dais. d’innombrables troupeaux de bœufs à l’engrais et de jeunes chevaux paissent nuit et jour dans de gras pâturages, et il ne faudrait pas aller bien loin pour retrouver près de quelque saule creux, au bord d’un fossé tout verdi de plantes aquatiques, l’original du fameux taureau du musée de La Haye.

Les prairies dont nous venons d’indiquer l’aspect appartiennent à une zone fertile qui contient à peu près 100,000 hectares, et qui s’étend le long de la Mer du Nord sur une largeur de 10 ou 15 kilomètres, depuis Anvers jusqu’au Blanez, près de Dunkerque. La limite intérieure se dirige d’abord de l’est à l’ouest, parallèlement à l’embouchure de l’Escaut, en passant par Zelzaete et Damme, puis elle descend vers le sud-ouest par Oudenbourg, Westkerk, Merkem, Knocke et Loo, en poussant deux pointes vers l’est : la première, près de Ghistelles, qui s’étend jusqu’à Eerneghem ; la seconde, près de Dixmude, qui s’avance au milieu des terres légères jusqu’à Zarren et Handsame. Le sol de cette zone est une argile compacte, calcarifère, tout à fait semblable à la vase que les eaux de la mer déposent encore dans les criques où elles pénètrent. L’épaisseur de la couche d’alluvion varie de 50 centimètres à 2 mètres ; elle repose sur une couche de tourbe qui s’étale à son tour sur le sable dont est formé le reste de la province. La surface du pays est au-dessous du niveau des hautes marées, et sans la protection des dunes et des écluses, il serait encore inondé, comme il l’était dans les temps primitifs. Ce n’est même qu’en profitant du reflux qu’on peut éloigner les eaux de pluie recueillies dans les fossés et dans les canaux creusés par la main de l’homme. La formation très particulière du terrain, qui a longtemps exercé la sagacité des géologues, offre de précieux avantages aux habitans, car, sous des pâturages d’une incomparable fertilité, ils trouvent dans l’exploitation facile des tourbières un combustible à bon marché, d’autant plus apprécié que la contrée est presque entièrement dépourvue d’arbres.

Si cette maremme de la Belgique a l’aspect, la constitution physique ainsi que la fécondité proverbiale de la maremme toscane, elle Souffre aussi, quoiqu’à un moindre degré, du fléau de la mal’aria, car elle est également sujette à la fièvre paludéenne. Les funestes effets de cette atmosphère remplie d’émanations végétales sont ordinairement mitigés par l’humidité du climat ; mais lorsqu’un été exceptionnellement chaud met à sec les fossés qui entourent les pâturages et les habitations, il s’exhale alors de la décomposition des plantes aquatiques des miasmes aussi délétères que ceux qui désolent les riches plaines d’Orbitello et de Grossetio : la mortalité prend de grandes proportions, et aucun étranger ne peut résider impunément dans le pays. En visitant cette région pendant les chaleurs et la sécheresse inusitées du mois de juillet 1859, je trouvai