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dans chaque ferme deux ou trois personnes épuisées par la fièvre, incapables de tout travail, et dans chaque village que je traversais, j’entendais le glas de la cloche des morts appeler à l’église les convois funèbres qui s’acheminaient lentement vers le cimetière. Dans les parties de la contrée soumises à une culture régulière, la fièvre entrave parfois les travaux des champs, surtout à l’époque de la moisson, car elle met hors de service plus d’un bras valide, et elle éloigne les ouvriers étrangers au canton, qui ne se décident à venir braver le danger que pour un salaire élevé. C’est là sans doute une des causes qui font donner tant d’étendue aux prairies naturelles et cultiver la terre avec moins de soins que dans l’intérieur du pays.

C’est aux environs de Dixmude et de Furnes, dans le Veurn-Ambacht, que se rencontrent les pâturages les plus favorables à l’engraissement du bétail et à l’élève des chevaux. Sur le gras limon croissent des herbes courtes, raides et rondes, qui, sans cesse arrosées par les vapeurs salines que le vent enlève à la mer, donnent une nourriture extrêmement forte. Un hectare suffit pour entretenir et pour engraisser deux bœufs pendant une seule saison. On met les troupeaux dans les prés dès le mois de mai, et on les y laisse jusqu’en novembre et même plus longtemps, lorsque la température le permet. Aussitôt qu’une bête est grasse, elle est vendue et remplacée. À la fin de la campagne, toutes les bêtes à cornes sont livrées à la consommation intérieure, surtout à celle de la France. Les jeunes chevaux de labour de pure race flamande sont envoyés aux foires vers l’âge de dix-huit mois. Très recherchés par les marchands anglais et français, ils atteignent le prix moyen de 750 ou 800 francs. Les fermiers ne conservent l’hiver qu’un petit nombre de vaches laitières. Ils les nourrissent avec de la paille de froment et de féveroles, avec le foin des prairies les plus humides, appelées brocken, qui sont fauchées et pâturées seulement au regain. Comme on ne récolte presque point de racines, les vaches à lait sont beaucoup moins bien entretenues que dans les terres sablonneuses, sauf aux environs de Dixmude, où elles produisent un beurre excellent, très renommé, et toujours enlevé à des prix bien supérieurs à la moyenne.

La zone du littoral est considérée en Flandre comme un pays de grande culture, parce que les fermes qui varient de 20 à 50 hectares y dominent. La nature compacte du terrain, qui exige de forts attelages, et les conditions particulières du climat restreignent la concurrence que peuvent se faire les cultivateurs, et empêchent par suite le morcellement des exploitations. Tandis que pour tout le royaume le chiffre moyen des exploitans est de 80 pour 100 hec-