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moitié du précédent, car les bons administrateurs sont d’avis que toute terre qui ne peut se louer 50 fr. L’hectare doit être convertie en sapinière,

La main-d’œuvre nécessaire à l’entretien et à l’exploitation des bois assure un salaire à quelques familles d’ouvriers : ceux-ci viennent donc coloniser la région d’abord inhabitée. Ils obtiennent en bail, emphythéotique, pour un prix relativement peu élevé, un coin de terre qu’ils défrichent. Dès lors rien ne leur coûte i)lus pour arriver à se construire une demeure. Ils réduisent leur consommation au plus strict nécessaire, ils économisent ce qu’ils peuvent ; le mari s’en va au loin, en France souvent, pour faire la moisson et rapporter ainsi une cinquantaine de francs au bout de trois semaines de fatigues inouïes. Quand ils ont rassemblé les matériaux de leur chaumière, mari et femme se mettent eux-mêmes à l’œuvre, et parviennent enfin à dormir sous un toit qui leur appartient. Il s’agit alors d’avoir du bétail, cette base de toute culture. Ils nourrissent d’abord une chèvre et quelques lapins, puis ils élèvent un veau avec les herbes qui poussent dans les bois. Quand enfin ils possèdent une vache, la famille est sauvée. Elle a du lait pour sa consommation, elle vend du beurre, elle recueille du fumier pour féconder sa culture. Peu à peu un certain capital se forme ; au bout de quelques années l’ouvrier est devenu un petit fermier. À mesure que la population augmente, les bois se défrichent. De nouvelles chaumières s’élèvent, les anciennes s’agrandissent. Après un demi-siècle, le pays est définitivement conquis à la culture, grâce à une suite non interrompue de travaux que le capitaliste n’aurait pu payer au taux moyen du salaire sans se mettre en perte. Le petit cultivateur qui est assuré de jouir du fruit de ses efforts au moins pendant trente ans n’épargne ni son temps ni sa peine. Travaillant avec plus d’ardeur et d’intelligence qu’il ne le ferait pour autrui, il met en valeur une terre que la grande culture n’aurait eu aucun intérêt à exploiter.

Les deux produits qui se récoltent dans les terres les plus médiocres, et qui forment la base de l’alimentation des classes rurales dans la plus grande partie des Flandres, sont le seigle et les pommes de terre. On a remarqué chez la plupart des peuples de race germanique une prédilection si marquée pour le seigle, qu’ils le cultivent de préférence au froment, même dans les bonnes terres argileuses, comme on peut l’observer dans le pays de Juliers par exemple. Il est encore d’autres motifs qui ont fait adopter la culture du seigle en Flandre. La nature du terrain lui étant favorable, il donne 24 hectolitres à l’hectare, tandis que le froment n’en donne que 22 ; il laisse plus tôt la terre libre pour recevoir les récoltes dérobées, et sa paille est très recherchée pour couvrir les toits de chaume. Si l’on veut obtenir du froment, il faut des fumures très fortes, et le produit en