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sortir dès le début. Seul, il peut expliquer certaines exagérations, certaines assertions, certains oublis trop frappans pour ne pas être quelque peu volontaires; seul aussi, il explique le ton qui a régné, qui règne trop souvent encore dans les écrits d’un grand nombre d’anthropologistes des deux écoles. De part et d’autre on s’est anathématisé, et si de nos jours les mœurs littéraires un peu adoucies ne permettent plus guère l’emploi des gros mots que s’adressaient nos devanciers, on n’en trouve pas moins, jusque dans quelques-uns des ouvrages les plus récens et les plus sérieux, certains passages qui sentent trop le livre de controverse ou le pamphlet politique. A quoi bon toutes ces colères? Les arrêts de l’inquisition n’ont ni arrêté la terre dans sa marche ni fait tourner le soleil autour de notre globe; les plaisanteries de Voltaire n’ont pas anéanti les fossiles. Les violences de langage, les insinuations malveillantes, les railleries ne changeront pas davantage les relations existantes entre les groupes humains.

Déterminer ces relations, c’est précisément répondre à la question posée au début de cette étude. On sait que chaque jour les naturalistes, et les naturalistes seuls, résolvent des problèmes de ce genre. A eux donc revient de droit celui qui nous occupe. Or, si l’on se place exclusivement sur le terrain des sciences naturelles, il nous paraît impossible de ne pas conclure en faveur de la doctrine monogéniste. Sans doute cette doctrine ne répond pas à tous les pourquoi, à tous les comment, que soulèvent les mille problèmes de l’anthropologie. Bien plus, au premier abord, et surtout pour les esprits même les plus cultivés, mais qui sont restés étrangers à certaines études, elle semble aggraver et multiplier les difficultés. Il se passe ici quelque chose de semblable à ce que produit en zoologie, en botanique, l’application des systèmes opposée à l’emploi de la méthode. Les premiers sont infiniment plus faciles à saisir, plus commodes dans la pratique. Par cela même, ils ont eu leur temps d’utilité réelle et ont compté d’ardens défenseurs; mais les vrais savans, les inventeurs eux-mêmes, en avaient senti de bonne heure les graves défauts. Ils avaient compris que le système le plus parfait dissimule souvent les difficultés existantes au lieu de les résoudre, et parfois en soulève qui n’ont aucun fondement, que par suite il conduit fatalement à l’erreur. La méthode naturelle au contraire met le botaniste, le zoologiste, en face de chaque problème, et les force à l’envisager sous toutes ses faces. Par Là, elle leur démontre parfois leur insuffisance, mais du moins elle ne permet jamais à un esprit sévère de se repaître d’illusions, de croire expliqué ce qui ne l’est pas.

il en est ainsi de la doctrine monogéniste comparée à la théorie contraire. En présence de la diversité que présentent les groupes