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pensée. Pour être vivans, la plante et l’animal s’en sont pas moins soumis à l’influence de la pesanteur, de la chaleur, de l’électricité. Les affinités chimiques s’exercent dans leur sein comme dans un laboratoire. La distinction entre les empires inorganique et organique consiste donc, non point en ce que le second échappe aux forces qui régissent le premier, mais seulement en ce qu’il ajoute à ces forces déjà connues une force nouvelle, ayant son mode d’action propre, capable par conséquent de produire des phénomènes spéciaux, et aussi de modifier dans une certaine mesure les résultats dus à l’action des autres forces. Dans nos instrumens, dans nos creusets, les forces physico-chimiques se manifestent en elles-mêmes, et par des phénomènes simples. Dans l’être organisé, elles fonctionnent sous la domination de la vie, et en vue d’un résultat d’ensemble. Par suite, ces phénomènes seront presque toujours plus ou moins complexes; mais ils n’auront pas pour cela changé de nature, et voilà pourquoi il est permis bien souvent de conclure du corps brut à l’être organisé; voilà pourquoi le mécanicien, le chimiste, le physicien, peuvent jeter un jour si grand sur le jeu multiple de nos organes, à la seule condition de ne jamais oublier la vie, comme ils n’ont que trop de tendance à le faire; voilà pourquoi la physiologie, la science des êtres vivans, ne saurait se passer de l’aide des autres sciences, dont le but est essentiellement l’étude de la nature brute.

Autant la vie et l’organisation isolent les êtres vivans des corps bruts, autant elles les rapprochent entre eux. Ce second fait n’est pas moins important à constater que le premier. Est-il besoin de le démontrer? Tous les êtres organisés ont un commencement et une fin, tous naissent, croissent et meurent; aucun d’eux, au moment de sa première apparition, ne ressemble à ce qu’il sera plus tard : tous par conséquent subissent des métamorphoses, tous ont besoin de se nourrir, et la nutrition est essentiellement la même pour tous. Ces phénomènes généraux s’accomplissant sous l’empire de la même force, semblables au fond par les procédés mis en œuvre, identiques par le but, établissent entre tous les êtres vivans des relations étroites, et voilà pourquoi en physiologie il est si souvent permis de conclure du végétal à l’animal et de l’animal à l’homme.

L’empire organique comprend, on le sait, deux groupes, deux règnes bien distincts et universellement admis. Le premier, le règne végétal, renferme des êtres presque tous adhérens au sol, n’ayant d’autres mouvemens que ceux qui résultent soit de leur organisation propre, soit d’impulsions venues du dehors, n’ayant aucune conscience ni d’eux-mêmes, ni de ce qui leur est extérieur. Le fait de l’organisation, les conséquences qu’il entraîne, distinguent seuls