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une fermeté nouvelle et se jette dans cette carrière qui commence par l’annexion des duchés, de la Toscane, de la Romagne, pour finir par la réunion de la Sicile, de Naples, des Marches et de l’Ombrie. C’est en un mot l’unité de l’Italie, — moins Venise, où est l’Autriche, moins Rome, où est provisoirement la France, — s’accomplissant à l’abri du principe de non-intervention. Il y a trente ans, des révolutions éclataient à la fois à Modène, à Bologne, à Pérouse; elles n’eurent qu’une vie éphémère. D’où vient la différence entre ces événemens d’autrefois et les événemens d’aujourd’hui? M. de Metternich le dit en quelques paroles de ses instructions à un de ses agens : « Ces révolutions se seraient infailliblement consolidées, et en auraient entraîné d’autres, si l’empereur s’était laissé arrêter par le principe absurde de la non-intervention. Notre action prompte et énergique les a pulvérisées. Mais on s’abuserait étrangement, si l’on se rassurait sur une tranquillité apparente de l’Italie qui n’est due qu’aux forces imposantes que l’Autriche y a portées. » C’était dire franchement sous quel régime on tenait l’Italie, et c’était en même temps annoncer d’avance ce qui arriverait le jour où le principe de non-intervention prévaudrait.

Une des plus graves sources d’erreurs et de jugemens légers, c’est d’observer souvent les affaires d’Italie à tous les points de vue, hormis au point de vue italien : vieille habitude des politiques accoutumées à voir dans la péninsule l’arène privilégiée d’une multitude d’intérêts étrangers. Il nous faut à tout prix ce système parcellaire de petits états, un équilibre de maisons régnantes, de succursales de nos dynasties et de notre influence. La tradition le veut! C’est ce régime qui disparaît aujourd’hui pour faire place à un peuple qui veut vivre, avec qui nous avons noué l’amitié des armes, que nous pouvons suivre avec une confiance inégale, mais dont nous ne pouvons au fond désavouer les aspirations sans nous désavouer nous-mêmes dans notre sang et dans tout ce que nous sommes. Que ce qui s’accomplit au-delà des Alpes soit en effet une révolution, une des plus grandes et des plus étranges révolutions, c’est ce qui n’est point douteux. Ce qui la caractérise seulement, c’est que, loin d’être, comme on le dit quelquefois, l’œuvre d’une passion essentiellement perturbatrice, elle est l’expression du travail continu, progressif et tout-puissant du sentiment qui fait les émancipations légitimes, le sentiment de l’indépendance nationale. Il y a longtemps déjà que cette révolution est en marche. On n’a pas assez vu que depuis un demi-siècle tout procède du sentiment national au-delà des Alpes, que c’est là réellement la clé des mouvemens, des violences mystérieuses, des évolutions en apparence contradictoires des Italiens. Lorsque Rossi, qui avait quitté l’Italie