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tion d’entreprises industrielles (dans une seule séance des cortès constituantes de 1854, trois sociétés de crédit mobilier ont été autorisées) : toutes les entreprises, grandes ou petites, doivent le jour à des étrangers et vivent de capitaux étrangers. Le public espagnol semble, — singulier reproche à lui adresser, — se désintéresser des biens de ce monde et dédaigner le profit matériel. Malheureusement, ne le voulant pas par lui-même, il s’en soucie médiocrement pour les autres, suspecte l’ingérence des étrangers dans ses propres affaires, et les considère volontiers comme des fils de Danaüs dont il faut craindre les présens. On n’est déjà plus sans doute au temps où l’hostilité populaire se traduisait, comme en 1858, à Valladolid, par les voies de fait les plus graves. Sur des accusations de maléfices dignes du moyen âge, la populace de la ville se rua contre deux ingénieurs attachés à la construction du chemin de fer. Le capitaine-général dut intervenir personnellement et prendre l’un des deux à son bras pour le dégager de la foule. Des applaudissemens unanimes éclatèrent à cette vue, mais quelle en était la cause? Le capitaine-général était, comme d’ordinaire, suivi d’une escorte d’honneur : on crut qu’il emmenait lui-même le criminel en prison. Aujourd’hui, si des cris se font entendre sur le passage des ingénieurs français par qui l’Espagne se trouvera transformée, ce sont des cris de joie, des bénédictions exprimées avec cet enthousiasme sérieux et convaincu qui donne aux manifestations populaires, dans la plus grande partie de la Péninsule, un caractère tout particulier. Toutefois, si les populations espagnoles voient d’un œil favorable l’exécution des entreprises nouvelles, elles refusent de leur confier leur propre argent. Ne pas faire soi-même ses affaires, à l’occasion entraver par des susceptibilités nationales ceux qui se chargent de cette tâche, c’est, on en conviendra, rendre le succès difficile. Il faut tenir compte de ces obstacles pour apprécier avec équité l’action du gouvernement espagnol. Aussi a-t-on voulu les rappeler avant de passer en revue les budgets établis depuis 1857, avant d’énumérer les mesures prises pour parer au déficit et accroître les ressources ordinaires, d’après le plan que M. Salaverria s’est rigoureusement imposé, et qui mérite tous nos éloges. Après cet exposé, nous aurons à revenir sur les faits principaux et les mesures les plus saillantes. Chacune de ces mesures se traduisant en chiffres dans un des chapitres du budget, il suffira de discuter les augmentations de ces chapitres, et au besoin d’en indiquer de nouvelles. Le fardeau de la dette est-il trop lourd et s’accroît-il? La plaie du déficit se fermera-t-elle? Les impôts dépassent-ils les limites ordinaires? Peut-on exiger de nouveaux sacrifices des contribuables? Enfin a-t-on assez fait pour ce qui touche au bien-être du peuple, les grands tra-