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de voies ferrées que l’établissement des lignes occidentales, celles qui rattacheront l’Espagne aux chemins portugais, celles surtout qui ouvriront des relations entre la capitale et les ports militaires de l’Océan. Depuis quelque temps, une tendance nouvelle se manifeste, et il faudrait se réjouir de l’empressement avec lequel on aborde en Espagne les entreprises de chemin de fer, si cet empressement même ne révélait un caractère contre lequel une sage politique commande de se prémunir. Ainsi, à l’occasion de l’adjudication d’une section du chemin de Madrid à Cadix, onze soumissionnaires se sont présentés; par suite des rabais, le chiffre de la subvention de l’état a été abaissé des trois quarts. Plus récemment encore, l’adjudication annoncée pour le 24 novembre 1860, de la section de Palencia à Léon, sur la ligne de Madrid à La Corogne, a été, quatre jours avant l’époque indiquée, assez irrégulièrement remise au mois de février 1861, parce qu’un capitaliste, se montrant plus royaliste que la reine, a proposé de se charger de deux sections de la grande ligne au lieu de celle-là seule qui avait été étudiée et mise aux enchères. On va même jusqu’à provoquer des réclamations provinciales et des coalitions parlementaires pour obtenir la concession d’un nouveau chemin de Pampelune à Bayonne par les Aldudes, c’est-à-dire en franchissant les Pyrénées au faîte, où se trouve la frontière, sous un souterrain de 5,350 mètres de long, avec des pentes de 27 millimètres par mètre. Pampelune cependant est en mesure de se raccorder, à Alsasua, au chemin du nord, qui traverse la frontière française à la Bidassoa; il ne faut pour cela qu’un simple embranchement de 40 kilomètres d’une exécution facile et peu dispendieuse. Le chemin par les Aldudes parcourrait 105 kilomètres, il ne coûterait pas moins de 50 millions de francs, et néanmoins on se fait fort de l’exécuter sans subvention ! Pourquoi cette troisième entrée en France si onéreuse et si difficile? Pourquoi ce feu des enchères allumé sur tous les points? Les bénéfices sont-ils si abondans et si certains? le produit des actions de chemins de fer est-il si rémunérateur? Assurément non; c’est uniquement parce que des intérêts particuliers se font concurrence, et à tout prix. Or, comme il s’agit surtout d’intérêts étrangers, le public espagnol bat des mains et presse le gouvernement de laisser faire la concurrence. L’exemple de l’Angleterre, où l’on sait ce que la concurrence a produit, l’exemple tout contraire de la France, où l’on a opposé de si fermes obstacles aux excès de la concurrence, fournissent au gouvernement espagnol un double et salutaire enseignement. Si les bonnes affaires appellent les affaires, l’insuccès ne nuit pas seulement à ceux qu’il frappe directement : il paralyse pour longtemps tous les efforts, et comme en matière de chemin de fer