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ou en nature comme devant être littéralement appliqué aux communes du royaume; l’esprit municipal de la Péninsule demanderait peut-être plus de ménagement que n’en comporta chez nous l’exécution rigoureuse de la loi de 1836, qui donnait à l’autorité préfectorale une grande initiative. Cependant, depuis que le mouvement de 1856 a rendu en Espagne plus de vigueur à l’action du pouvoir central, il serait facile assurément d’exciter dans les localités une juste émulation pour la création de chemins de vicinalité. L’utilité de ces moyens vitaux de circulation frappe tous les yeux; maison désire obtenir tout de suite les voies les plus perfectionnées, on dédaigne les chemins ordinaires, de beaucoup les plus utiles, puisqu’ils coûtent moins, se font plus vite, et suppléent à l’absence des autres. Des localités qui ont obtenu d’être voisines d’une ligne de fer ne se contentent plus d’une route, voire d’un chemin de fer à voitures attelées; il ne leur faut rien moins que des rail-ways à locomotives, et en attendant la réalisation d’une espérance vaine, elles préfèrent ne s’imposer aucun sacrifice, et rester privées de toutes relations extérieures[1]. Il faut donc que le gouvernement presse les autorités provinciales de se mettre à l’œuvre, qu’il prodigue les encouragemens, les récompenses, les subventions même. Nulle dépense ne sera plus profitable à la communauté.

L’instruction publique en Espagne n’est pas dans l’état languissant où l’on se plaît quelquefois à la représenter; les établissemens d’éducation y sont aussi nombreux, par exemple, que les établissemens de bienfaisance. Pour une population de 16 millions d’habitans, on trouve 7 établissemens généraux de bienfaisance, 215 établissemens provinciaux, 1,101 municipaux, 262 particuliers, 182 destinés à porter des secours à domicile; Madrid seul possède 21 hôpitaux. Signalons en passant ces positos ou greniers de réserve, qui existent dans vingt-six provinces et prêtent du blé aux agriculteurs pauvres et aux veuves. Notons aussi, à côté des hermandades (confréries), les

  1. La petite ligne de Cordoue à Séville, d’une étendue de 131 kilomètres, laisse sur la rive droite du Guadalquivir trois villes d’importance diverse : Ecija, qui compte 23,000 habitans, Carmona, qui ou a 15,000, enfin Palma. Cette dernière ville, distante de la ligne ferrée de 5 kilomètres seulement, s’y rattachera par une route et un pont. Ecija n’est qu’à une vingtaine de kilomètres de Palma; de Carmona à la ligne de Séville, il n’y en a pas 15. Pour des localités qui ne jouissent pas de moyens de communications perfectionnés, le voisinage relatif du chemin de fer est une bonne fortune dont on devrait avoir hâte de profiter; mais les habitans des deux premières villes ont dédaigné de s’occuper d’un raccordement direct avec le chemin de fer par des routes ordinaires. Un projet de chemin de fer à chevaux a été même écarté. enfin il s’est trouvé, dit-on, des hommes assez entreprenans pour proposer de construire un deuxième chemin de fer de Cordoue à Séville, en passant par Ecija même et Carmona; on voudrait ainsi renouveler aux bords du Guadalquivir l’heureuse expérience des deux chemins de Paris à Versailles sur la rive droite et sur la rive gauche de la Seine!