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le maintien de la paix entre les grandes puissances. Quant à la France, elle pouvait définir parfaitement, dans une dépêche adressée par M. Thouvenel à M. de Montebello, l’attitude qu’elle comptait garder devant la révolution italienne. « Nous n’approuvons pas tout ce qui se passe en Italie ; notre conscience désavoue les moyens employés, et notre raison, d’un autre côté, ne nous permet pas de nous y faire les champions des régimes détruits. Que sortira-t-il de là ? Nul ne le sait, et il serait téméraire de se tracer d’avance une conduite arrêtée. Consacrer tous ses efforts à prévenir une guerre générale et désastreuse pour la civilisation, tâcher que les grandes puissances de l’Europe, grâce à une entente intelligente et loyale, préparent une solution à de redoutables problèmes, voilà à mon avis le but que doivent se proposer les cabinets, et l’œuvre à laquelle nous sommes prêts à concourir. » Ces sages paroles étaient écrites le 27 octobre ; à la fin de décembre, elles avaient rallié à la même conduite toutes les grandes puissances continentales. Russie, Prusse, Autriche s’entendaient avec nous sur ce point ; elles convenaient avec nous que les circonstances ne permettaient pas de fixer les termes d’un accord qui pût fournir à un congrès les bases d’un arrangement des affaires d’Italie. Maintenir entre soi les bons rapports et ne rien faire qui pût ajouter aux complications, cette résolution commune à laquelle arrivaient les quatre puissances continentales et à laquelle les avait conduites le mémorandum de M. Thouvenel n’était pas seulement un succès honorable pour notre diplomatie, c’était un résultat heureux pour l’Europe, à qui il devait rendre la sécurité en lui présentant une puissante garantie de paix. Lorsque M. de Cavour connut le dénoûment de cette transaction, qui se terminait à la fin de l’année dernière, il prit nettement et fermement son parti de la paix. Un doute subsistait encore dans les esprits : M. de Cavour serait-il assez puissant en Italie pour y contenir les élémens révolutionnaires ? La question paraît aujourd’hui tranchée par les élections italiennes. Les nécessités de la situation seront comprises par la grande majorité des Italiens, et M. de Cavour, soutenu par une majorité éclairée et modérée, pourra tourner cette année toute l’application de l’Italie sur elle-même, sur l’organisation de ses ressources, sur le travail de fusion qu’elle doit maintenant accomplir entre ses populations si récemment réunies.

Tel est, parmi les divers épisodes éclairés par les dépêches publiées dans le livre jaune des affaires étrangères, celui sur lequel nous nous arrêtons le plus volontiers. D’abord il en est sorti cet heureux résultat de la paix assurée pour cette année, et il est permis d’espérer que l’influence favorable de la sécurité qui nous est ainsi rendue pourra s’étendre plus loin encore ; ensuite on est autorisé à y voir un effet marqué de l’influence de la France ; enfin ce succès diplomatique a été obtenu par des moyens simples et droits qui ne laissent aucun regret mêlé à l’estime que l’on ressent pour l’habile négociateur français. Nous ne rappellerons pas les autres épisodes ; il en est deux néanmoins qui, dans les circonstances actuelles, offrent un vif intérêt.