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Qui sait si un hasard propice n’aura pas conduit près de moi non pas un de vos amis, cela serait trop beau, mais du moins quelqu’un qui vous connaît, et avec qui je pourrai parler de vous ? Je ne saurais vous dire avec quelle obstination je caresse ce rêve favori, et combien je serais heureuse qu’il pût se réaliser.

La visite d’Hendrik et de son compagnon de voyage n’est pas le seul plaisir que nous réserve un avenir prochain. Nous avons reçu, dernièrement une invitation pour un bal qui doit avoir lieu à Buitenzorg, dans les premiers jours de septembre, à l’occasion de la fête de la femme du gouverneur-général. La perspective de ces distractions, qui doivent donner une animation inaccoutumée à la vie de la famille, ne m’empêche pas de faire souvent un triste retour sur le passé, surtout en ce moment, où une circonstance, insignifiante peut-être, me préoccupe plus que je ne saurais dire… Hélas ! si de nouveaux malheurs me menaçaient, si le secret de ma retraite avait été divulgué, je ne devrais m’en prendre qu’à mon indiscrétion… Sans autre préambule, je vous avoue très franchement le manque de parole dont je me suis rendue coupable envers vous, envers moi-même. Vous vous souvenez peut-être que votre lettre du mois de janvier me donnait les détails les plus précis sur la position précaire de l’homme dont le nom flétri ne doit plus sortir ni de ma bouche ni de ma plume. Par une faiblesse que je me reproche bien vivement, mais que vous me pardonnerez sans doute, je ne pus résister au désir de venir à son aider Je connais cette nature faible jusqu’à l’infamie devant les nécessités d’argent, et pour épargner au malheureux de nouvelles infortunes, je pourrais dire de nouveaux crimes, je résolus de venir à son secours et de disposer en sa faveur de mes économies. Le banquier qui s’était chargé de faire passer la somme m’avait bien promis le plus profond secret ; mais, soit qu’il ne m’ait pas tenu parole, soit par tout autre motif, j’ai reçu vers le milieu de juillet, de Singapour, une lettre qui m’annonce en quelques lignes l’arrivée prochaine d’un vieil ami. Cette lettre, conçue en des termes assez mystérieux et signée Trufiano, m’a très vivement préoccupée aux premiers jours. Depuis lors, je me suis rappelé qu’abord du steamer qui m’a conduite de la Pointe-de-Galles à Singapour se trouvait un gentilhomme italien en route pour la Chine, et des attentions duquel j’avais eu fort à me louer, mais dont il m’est impossible de retrouver le nom exact. C’est bien probablement là le signataire de la lettre, qui, à son retour de la Chine, tient à remplir une promesse de visite très sincèrement faite par lui il y a deux ans et très joyeusement acceptée par moi. S’il en était autrement,… si mes plus mauvais pressentimens devaient se réaliser !… À cette seule pensée, mon sang se fige dans mes veines… Un nouvel exil…, la mort me sembleraient préférables au supplice de voir révéler les malheurs et