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ceux qui seront froids, étranger à ceux qui voudront être étrangers. Vous n’aurez sans doute à repousser aucun de ces procédés qu’un homme bien élevé ne saurait accepter et qui n’appartiennent pas à un monde bien élevé. Que cela vous suffise. Dans votre hôtel, au sein de votre légation, vous êtes en France ; renfermez-vous dans cette petite patrie qui vous entoure, tant que la société russe le voudra elle-même. Vous êtes jeune, je le sais ; Mme Périer est jeune et aimable ; le monde lui plaît et elle y plaît : je regrette pour elle et pour vous les agrémens de la vie du monde ; mais vous avez l’un et l’autre l’esprit trop juste et le cœur trop haut pour ne pas savoir y renoncer sans effort et vous suffire parfaitement à vous-mêmes quand la dignité de votre pays et votre propre dignité y sont intéressées.

« J’apprends avec plaisir, quoique sans surprise, que toutes les personnes attachées à votre légation se conduisent dans cette circonstance avec beaucoup de tact et de juste fierté. Pour vous, monsieur, je me plais à vous faire compliment de votre attitude parfaitement digne et convenable. Persistez-y tranquillement. Dans vos rapports avec le cabinet de Saint-Pétersbourg, pour tout ce qui tient aux affaires, soyez ce que vous étiez, faites ce que vous faisiez avant cet incident ; il n’y a aucune raison pour que rien soit changé à cet égard. Et quant à vos relations avec la société, tant qu’elles ne seront pas ce qu’elles doivent être pour la convenance et pour votre agrément, tenez-vous en dehors. Il n’y a que cela de digne et de sensé. »

Du 6 au 25 janvier, M. Casimir Périer me rendit compte, dans les lettres suivantes, des incidens survenus à Saint-Pétersbourg, et qui indiquaient, soit le maintien, soit la modification des dispositions et de l’attitude de l’empereur Nicolas et de sa cour.


« M. Casimir Périer à M. Guizot.

« Saint-Pétersbourg, 6 janvier 1842.

« Monsieur,

« L’empereur s’est fort calmé, et si rien ne vient réveiller son irritation, il est à croire qu’elle n’aura pas de nouveaux effets. La consigne donnée à la société n’est pas levée, mais on n’attend, si je suis bien informé, qu’une occasion de sortir d’une attitude dont on sent tout le ridicule. Cette occasion semble devoir, aux yeux de tous, se rencontrer dans ma présence à la cour le 1er/13 janvier. Ainsi que j’ai eu l’honneur de le mander, à votre excellence, me sentant atteint, non dans ma personne, mais dans ma position officielle, à laquelle on a pris soin de me faire comprendre qu’on voulait s’adresser, je me tiendrai fort sur la réserve, et des avances bien positives