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événemens lui imposèrent. Le 10 octobre 1746, il avait débarqué sur nos côtes de Bretagne, à Roscoff, près de Morlaix, avec un petit nombre de ses compagnons ; arrivé bientôt à Paris, accueilli comme un héros par la cour et la ville, il n’avait pu obtenir toutefois que le gouvernement de Louis XV lui vînt ouvertement et efficacement en aide pour une seconde expédition en Angleterre. Ses tentatives auprès de la cour d’Espagne ne furent pas plus heureuses. Frédéric le Grand, qui admirait son courage, ne pouvait accorder une complète sympathie à sa cause, et c’est vainement aussi qu’il tourna les yeux de ce côté. Il restait donc à Paris, sombre et morne, sinon découragé, lorsqu’un coup inattendu vint anéantir ses dernières espérances. Louis XV, par le traité d’Aix-la-Chapelle, consentait à interdire le séjour de la France au vaincu de Culloden. Le petit-fils de ce Jacques II à qui Louis XIV avait accordé une si magnifique hospitalité dans le château de Saint-Germain était expulsé de nos frontières sur l’ordre de la dynastie de Hanovre. Le roi, pour atténuer l’odieux d’une telle mesure, lui offrait en Suisse, à Fribourg, un établissement digne de sa naissance. « Je ne veux point partir, répondait Charles-Edouard ; je ne céderai qu’à la force, et ce ne sera pas sans avoir résisté. » Il se sentait soutenu par l’opinion. Le dauphin, père de Louis XVI, les plus nobles seigneurs de la cour, tous les écrits généreux se révoltaient contre cette clause si peu française. Le jeune prince avait barricadé son hôtel, et jurait d’y soutenir un siège, s’il le fallait, comme Charles XII à Bender. En attendant, il bravait l’ennemi ; on le voyait souvent à l’Opéra, et chacun admirait sa bonne mine et sa fierté. C’est là qu’il fut arrêté le 11 décembre 1748 par le duc de Biron, commandant des gardes françaises, au milieu des murmures de la foule. Saisi et garrotté comme un malfaiteur, le héros de Preston-Pans fut livré à M. le comte de Vaudreuil, commandant supérieur de la gendarmerie, qui le fit incarcérer au château de Vincennes. Quelques jours après, on le conduisait à la frontière.

« Depuis ce temps, dit Voltaire, Charles-Edouard se cacha au reste du monde. » Cette vie cachée eut encore ses angoisses et ses épreuves. Pendant bien des années, il chercha en vain une demeure hospitalière. Chassé d’Avignon, on le croit du moins, par le gouvernement pontifical, qui redoutait les menaces de l’Angleterre, il disparut subitement. S’était-il réfugié en Espagne, en Allemagne, en Pologne ? Quelque seigneur de France, en dépit des ordres de Louis XV, lui avait-il donné un asile ? On se perdait en conjectures, et toutes les recherches étaient inutiles. Une chose certaine, c’est que, changeant sans cesse de séjour comme de nom et de costume, il voulait surtout échapper à la surveillance de la maison de Hanovre. On a su plus tard qu’en 1750 il était allé secrètement en Angleterre,