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De là, il court à Saint-Pétersbourg ; de Saint-Pétersbourg, chargé de dépêches, il s’embarque pour Londres. À peine arrivé, Canning le réexpédie à l’empereur Alexandre avec un message confidentiel ; puis, quelques jours après son retour en Russie, lord Granville le renvoie en toute hâte à Canning. Alléché par l’espoir d’envahir la Finlande suédoise, Alexandre allait déclarer la guerre aux Anglais, et, avant tout autre, Robert Wilson avait eu vent de cette trahison imminente. En cette occasion, il fit des prodiges. Le gouvernement russe, voulant assurer à ses courriers une priorité fort essentielle, avait tout exprès retardé de trente-six heures l’envoi des passeports réclamés par le diplomate anglais. Celui-ci pourtant, servi par la neige qui tombait en abondance, devança (d’une demi-heure seulement) le courrier russe dépêché à Stockholm. Cette demi-heure lui suffit pour combiner avec un courrier anglais les moyens de retarder encore son antagoniste. Le plan réussit à merveille, et Robert Wilson, après avoir donné l’éveil au gouvernement suédois, courut à Gothenbourg, où il obtint du gouverneur de la ville un embargo de quarante-huit heures sur tous les navires du port. Lui-même, après s’être ainsi ménagé une avance considérable, s’embarquait aussitôt sur un brick de guerre. La tempête le repousse vers la côte suédoise ; dès qu’elle lui laisse une issue, il part, il débarque et tombe chez le premier ministre à quatre heures du matin. Avant que personne ait pu le voir ou même soupçonner sa venue, le télégraphe joue vers Portsmouth. Cinq heures plus tard, la réponse arrive, annonçant l’exécution des ordres donnés : on avait saisi la frégate Sperknoi, chargée des sommes destinées à la flotte russe, et un vaisseau venait d’appareiller, portant à sir Sidney Smith l’ordre d’intercepter la flotte russe et de la conduire dans les ports anglais[1].

En 1808, nous retrouvons l’habile et agile diplomate sous le harnais militaire. Il est aux environs de Torres-Vedras, organisant à grand’peine une légion portugaise. Son grade, comme officier étranger, est celui de brigadier-general (général de brigade). À tort ou à raison, dans ses états de services, il s’attribue la gloire d’avoir, en manœuvrant sur la Tormes, sauvé l’armée de La Romana, qui venait de la Galice, d’avoir tenu en échec le maréchal Soult à sa sortie d’Oporto, et empêché de la sorte l’évacuation de Lisbonne jusqu’à l’arrivée de sir Arthur Wellesley. Il se distingua de même en 1809, sous les ordres de ce grand capitaine, et s’il faut l’en croire, ce serait une marche de la légion portugaise, menaçante pour Madrid, qui obligea les Français, après Talavera, d’exécuter ce mouvement en arrière qui

  1. Ces ordres arrivèrent deux heures trop tard à l’amiral anglais. La flotte russe qu’il avait en vue venait de pénétrer dans le Tage au moment où il rompit le cachet des dépêches qui en autorisaient la capture.