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et puisqu’un prince si catholique estime son exposition de la foi, il en envoie trois exemplaires, un pour « monseigneur, » un pour Spinola, un pour Leibniz. Celui-ci réplique qu’il est ravi de cet ouvrage, il est impatient de le voir traduit en allemand ; mais il lui recommande de lire les écrits de M. Calixtus, qui est pour la confession d’Augsbourg ce que Daillé est pour le calvinisme. On voit tout de suite qu’il range sur la même ligne les traités théologiques, de quelque côté qu’ils viennent, pourvu qu’ils soient modérés, plausibles et conçus de telle sorte que chacun puisse les accepter et s’accorder dans les termes du symbole, quand même l’interprétation mentale devrait différer. De nouveaux pas furent faits dans le sens d’une réconciliation ainsi comprise, au moins de l’autre côté du Rhin ; mais ce n’est, à ce qu’il semble, que quatre ans plus tard que Leibniz en rend compte à Bossuet, qui veut bien s’en réjouir, mais demande de nouveaux détails. Tout indique chez le prélat une certaine défiance. Un accord trop facile lui paraît suspect ; seulement il a été chargé de dire que le roi louait ces pieux desseins et les apprécierait selon les moyens dont on lui ferait l’ouverture. Il paraît que ces moyens ne le contentèrent pas, car huit ans se passent avant qu’il rentre par lettre dans le cours des explications et des démarches qu’on n’avait point d’ailleurs interrompues. Dans l’intervalle, Leibniz avait trouvé un autre correspondant. Une ancienne ursuline, Mme de Brinon, s’était mis dans l’esprit de s’entremettre entre Rome et Luther. Quoiqu’elle ne sût pas un mot d’orthographe, au point d’écrire les cose segondent pour les causes secondes, elle était bel esprit, lisait les pères, aimait la littérature et la théologie. C’était elle qui, première directrice de la maison de Saint-Cyr, y avait introduit la poésie dramatique et si bien répandu l’esprit de vanité, dont elle donnait l’exemple, qu’une lettre de cachet la renvoya et la déporta dans le couvent de Maubuisson. L’abbesse, petite-fille de Jacques II, était une princesse palatine, belle-sœur de la célèbre Anne de Gonzague, toutes deux converties, l’une du luthéranisme au catholicisme, l’autre de la galanterie à la dévotion. La duchesse de Hanovre était sœur de l’abbesse, et, quoique protestante, elle s’occupait des ouvertures qu’une communion faisait à l’autre, et elle aimait à suivre les controverses en souhaitant de les voir finir. La sœur Marie de Brinon fut trop heureuse de devenir la confidente de ces grandes dames, et, par ses relations avec le monde de l’église et des lettres, elle tint son abbesse au courant de ce qui s’écrivait de part et d’autre, se chargea de transmettre des deux côtés missives, traités, factums, qu’elle accompagna d’épîtres de sa façon, spirituelles dans les deux sens, écrites avec la piété d’une ursuline et la prétention d’une précieuse. En sa double qualité,