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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/397

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elle était liée avec Pellisson, qui avait passé par le salon de Mme de Scudéri pour devenir converti et convertisseur. Apologiste académique, controversiste élégant, consolé par la faveur de Louis XIV de la captivité de Fouquet, il faisait sa cour en poursuivant l’abjuration des hérétiques par tous moyens, hormis la persécution. Habile également dans l’art d’écrire et dans l’art de donner, il administrait la caisse des conversions et rédigeait de bons mémoires de théologie. Ses pages étaient aussi bien tournées que ses gratifications placées à propos. Courtois, bienveillant, insinuant et flexible, c’était le théologien du beau monde et des belles dames, et il venait de publier ses Réflexions sur les différends de religion lorsque Mme de Brinon, pour complaire à la palatine et à l’abbesse de Maubuisson, l’employa à la conversion de la duchesse Sophie de Hanovre, qui écoutait les conseils, lisait les lettres, assistait aux conférences et se montrait gracieuse et inébranlable. C’est cette princesse qui communiqua l’ouvrage de Pellisson à Leibniz pour avoir son avis. Le philosophe, suivant son usage, en fit un extrait, puis écrivit ses observations, qui revinrent à Pellisson par Mme de Brinon, très flattée de rester la correspondante commune du philosophe allemand et de l’académicien français, entre lesquels s’établit bientôt un commerce épistolaire direct (1691). Ils s’écrivirent pendant deux ans, jusqu’à la mort de Pellisson ; mais dès le début de leurs relations Mme de Brinon communiqua les écrits qu’ils avaient échangés à l’évêque de Meaux, en lui demandant de la part de la duchesse ce qu’il avait fait des propositions envoyées quatorze ans auparavant par l’évêque de Neustadt. Bossuet répondit assez négligemment qu’il les avait perdues et ajouta quelques remarques sur les observations de Leibniz. Celui-ci, qui ne cherchait que les explications, persuadé obstinément qu’il suffisait de s’expliquer pour s’entendre et se réconcilier sans apostasie, se hâta de promettre, à la place du travail de Spinola, un travail analogue et meilleur de l’abbé de Lockum et ne laissa pas sans réplique les remarques de Bossuet ; il finit même par lui envoyer directement les éclaircissemens nouveaux de Molanus. Bossuet ne répondit d’abord que par l’entremise de Mme de Brinon ; enfin il se décida à écrire directement, et quoique ses lettres soient obligeantes et suffisamment explicites, on y sent toujours le fond de réserve et de froideur d’un homme qui ne veut pas être dupe et compte médiocrement sur le succès. On dirait qu’il n’est jamais bien sûr de savoir à qui il a affaire et de bien saisir ce qu’on lui veut. C’est qu’en effet il ne le savait pas parfaitement ou ne le voulait pas bien entendre.

Il n’est pas besoin d’étudier longtemps les documens authentiques pour apercevoir le dissentiment, la contradiction fondamentale qui