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d’insister quelque peu sur l’histoire du sanglier, souche commune de tous nos cochons. Le sanglier est commun à l’Europe et à l’Asie. Il présente quelques races naturelles, mais Blainville lui-même n’a pas hésité à les regarder comme ne formant qu’une seule espèce. Domestiqué de temps immémorial, il a donné naissance à une foule de races souvent très différentes les unes des autres. Le pelage entre autres a varié du noir au blanc, et les races entièrement noires sont assez communes, tandis que la couleur primitive est le gris noirâtre. Transporté dans toute l’Amérique, le cochon, comme le chien, a donné naissance à des races marronnes. Ces races ont été observées dans les îles du golfe du Mexique par le père Labat, en Colombie par M. Roulin. Ces deux observateurs s’accordent à dire que dans les deux localités la tête, plus grosse, s’est élargie et relevée par le haut, que les oreilles se sont redressées, les défenses allongées. En même temps la couleur est devenue uniforme. Par tous ces caractères, les cochons marrons se sont rapprochés du sanglier ; mais dans les deux contrées dont il s’agit le pelage s’est montré entièrement noir, caractère qu’on ne rencontre nulle part dans l’espèce sauvage. Bien plus, dans les Paramos, à une hauteur de 2,500 mètres, M. Roulin a vu les cochons libres se couvrir d’un poil épais, crépu, et d’une sorte de laine. Redevenus à certains égards semblables aux sangliers de l’ancien continent, ces cochons marrons ont donc conservé certains traits des cochons domestiqués où acquis quelque caractère nouveau imposé par les conditions dans lesquelles ils avaient à vivre.

En réunissant toutes les données acquises sur les races marronnes, nous en arrivons ainsi à les regarder comme le produit de trois facteur, qui sont : 1° la nature propre du végétal ou de l’animal, d’où résultent les caractères particuliers à l’espèce primitive ; 2° l’état où elles ont été amenées par la domestication, c’est-à-dire par l’influence d’un milieu dont l’homme détermine volontairement ou involontairement les conditions ; 3° l’influence exercée par le milieu nouveau où les races domestiques se sont placées en échappant à l’empire de l’homme. Au fond, le milieu se montre toujours comme la cause de toutes les modifications. Cette conséquence, qui découle de tout ce que nous avons vu jusqu’ici, ressortira bien davantage encore dans le cours de ces études.


Faisons maintenant à l’histoire de l’homme une première application de ce qui précède. On a vu, chez nos animaux domestiques, les races les plus diverses ramenées à un type spécifique unique, et cela même pour le pigeon et le chien, par des hommes dont les doctrines générales s’accordaient d’ailleurs bien peu. Parmi les raisons qui