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encore des exemplaires de ce Moniteur supprimé ; il a été reproduit dans le manuscrit de 1814 de M. Fain. C’est là qu’avec une sécurité bien naturelle la plupart des historiens de nos jours sont allés chercher ce qu’à bon droit ils ont pu regarder comme l’exacte et complète vérité. J’ai regret à le dire, leur confiance les a trompés. Pas plus dans le Moniteur supprimé que dans les autres documens publiés à cette époque, Napoléon n’a pu prendre sur lui de présenter à la nation les choses telles qu’elles étaient. En plus d’un passage, le rapport de M. de Saint-Aignan a été, à notre connaissance, tronqué et falsifié. Cependant les ouvertures faites à Francfort le 9 novembre sont par elles-mêmes si importantes, les paroles expresses sorties alors de la bouche du prince de Metternich, de lord Aberdeen et du comte de Nesselrode sont si précieuses à recueillir, et le témoignage du grave et véridique intermédiaire qui les rapporte a tant de poids, qu’on nous saura peut-être gré, en nous aidant des termes mêmes des dépêches de M. de Saint-Aignan, et sans trop nous écarter du livre qui fait le sujet de cette étude, d’entrer pour notre compte et d’après nos propres recherches dans quelques développemens sur cet épisode diplomatique de Francfort, qui a été comme le prologue des conférences de Châtillon, et dont M. de Viel-Castel nous a rendu seulement les traits principaux.


II

Vers la fin d’octobre 1813, les hasards de la guerre avaient fait tomber aux mains des puissances alliées le ministre plénipotentiaire de France près la cour de Weimar, M. de Saint-Aignan. Particulièrement connu de M. de Metternich, M. de Saint-Aignan était tenu en grande considération parmi les diplomates étrangers, non-seulement à cause de ses qualités personnelles, mais en raison de son étroite alliance avec le duc de Vicence, dont il avait épousé la sœur. à la nouvelle de son arrestation, le ministre autrichien s’était empressé d’intervenir pour faire relâcher M. de Saint-Aignan, traité jusqu’alors en prisonnier par l’état-major du prince Schwarzenberg. Dans une première entrevue, qui eut lieu à Weimar le 26 octobre, la conversation tomba tout d’abord sur les derniers événemens et sur l’état présent des affaires de l’Europe.


« L’empereur Napoléon, dit M. de Metternich, se fait illusion depuis deux ans ; il a cru faire la paix à Moscou, ensuite il s’est persuadé qu’il la ferait à Dresde, et qui nous ne pouvions lui faire la guerre. Il a pensé pouvoir garder la position de l’Elbe, et n’a pas voulu croire que c’était une chose