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« Je jugeai que le moment était venu de mettre fin, par une déclaration précise des intentions du roi et de son gouvernement, à des conversations qui semblaient devoir se prolonger indéfiniment et toujours sans résultat. J’écrivis donc le 8 juillet au baron d’André :

« Monsieur le baron,

« Aussitôt après l’arrivée de M. de Breteuil, vous irez trouver M., le comte de Nesselrode et vous lui donnerez à lire la dépêche ci-jointe. Pour peu qu’il vous témoigne le désir de la faire connaître à l’empereur, vous prendrez sur vous de la lui laisser. Je désire qu’elle soit mise textuellement sous les yeux de l’empereur.

« Je n’ai rien à y ajouter pour vous-même. Si M. de Nesselrode engage avec vous quelque conversation, la dépêche vous indique clairement dans quel esprit et sur quel ton parfaitement simple, tranquille et froid, vous y devez entrer. Laissez sentir que, bien que la modération générale de notre conduite n’en doive être nullement altérée, il y a là cependant une question et un fait dont l’importance politique est grande et inévitable. »


« M. Guizot à M. le baron d’André.

« Paris, 8 juillet 1843.

« Monsieur le baron,

« M. de Kisselef est venu le 27 juin me donner communication d’une dépêche de M. le comte de Nesselrode, en date du 14 du même mois, qui répond à mes entretiens des 5 avril et 14 mai avec M. le chargé d’affaires de Russie, entretiens que je vous ai fait connaître par mes lettres particulières des 25 avril et 20 mai.

« M. le comte de Nesselrode paraît penser que j’ai pris l’initiative de ces entretiens et des explications auxquelles ils m’ont conduit, notamment en ce qui concerne le retour des ambassadeurs à Paris et à Saint-Pétersbourg. Je me suis arrêté en lisant ce passage de sa dépêche, et j’ai rappelé à M. de Kisselef que la première origine de nos entretiens avait été la phrase par laquelle, dans sa dépêche du 21 mars, M. le comte de Nesselrode, en le chargeant de me féliciter du résultat de la discussion sur les fonds secrets, me supposait envers la Russie des dispositions peu favorables. Je ne pouvais évidemment passer sous silence cette supposition, et ne pas m’expliquer sur mes dispositions ainsi méconnues ou mal comprises. Si M. le comte de Nesselrode n’avait fait que m’adresser les félicitations par lesquelles se terminait sa dépêche, je n’aurais songé à rien de plus qu’à l’en remercier ; mais, en m’attribuant envers la Russie des dispositions peu favorables, il m’imposait l’absolue nécessité de désavouer cette supposition, et de ne laisser lieu, sur mes sentimens et sur leurs motifs, à aucun doute, à aucune méprise.