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Dans le dernier parlement, M. de Cavour a déjà eu à se défendre contre cette tendance ; on lui proposait les pleins pouvoirs, on s’étonnait, on regrettait qu’il les refusât avec une résolution si ferme. M. de Cavour pense au contraire, et avec raison suivant nous, que tant que le canon n’aura pas grondé du côté de la Vénétie, le parlement, le régime régulier, la discussion, sont des moyens puissans de cohésion et de force intérieures. Ainsi, en Italie aussi, le maintien des garanties parlementaires devient une condition de la conservation de la paix. On ne voit donc pas sur quelles bases le tiers-parti italien compte opérer cette œuvre de conciliation qu’il s’est assignée pour tâche. La conciliation portant sur le fond des choses n’étant point possible, la chercherait-on sur les questions de personnes ? La politique du tiers-parti ne consisterait-elle qu’à substituer des ministres agréables à Garibaldi à ceux qui lui déplaisent ? C’est probable ; mais là est le péril. L’expérience vient de le prouver, on ne peut être avec Garibaldi sans le suivre : on ne peut le suivre sans courir les aventures. M. Rattazzi et ses amis feraient bien d’y prendre garde. Les hommes sages de l’Italie, ceux qui comprennent la valeur de ce qu’ils ont acquis et ne voudraient pas perdre la destinée de leur pays, qu’ils ont dans leur main, sur le coup de hasard le plus téméraire, feront bien d’y veiller aux élections. Nous apprenons d’ailleurs avec plaisir que l’un des plus fermes caractère, qui se soient révélés dans la révolution italienne, et qu’on voulait ranger dans le tiers-parti, n’est nullement enclin à se prêter à cette dangereuse tactique. Nous croyons que M. Ricasoli a plutôt blâmé en d’autres occasions M. de Cavour de n’avoir pas opposé une plus énergique résistance aux caprices de Garibaldi. M. Ricasoli est si loin de figurer parmi les adversaires ouverts ou cachés de M. de Cavour que l’on vient de lui offrir la présidence du sénat, c’est-à-dire le poste le plus élevé qu’il y ait à Turin en dehors du ministère.

Il serait étrange, au surplus, que les Italiens fussent assez peu éclairés sur leurs intérêts pour ne pas s’apercevoir qu’ils combleraient le plus pressant vœu de l’Autriche, s’ils faisaient en ce moment une tentative au-delà du Mincio. Il est probable que Garibaldi lui-même n’a jamais songé pour le printemps prochain à une entreprise semblable ; son plan a dû être de tenter par le Danube un coup d’audace en Hongrie. Ce n’est pas sur sa frontière italienne, c’est au cœur même de son empire qu’il a pensé sans doute à frapper l’Autriche ; mais un commencement d’insurrection hongroise serait nécessaire pour que le plan du grand condottiere pût devenir praticable. L’agitation hongroise est formidable assurément, elle pourra susciter au cabinet autrichien des difficultés considérables ; mais l’Autriche a franchement adopté le système qui est le mieux fait pour tenir tête à ces orages : elle a fait les concessions les plus larges. Devant ces concessions, il n’est pas impossible que la Hongrie demeure sage et préfère à un recours dangereux à la force l’emploi des moyens légaux. S’il en était ainsi, les plans