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elles subitement impuissantes ? C’est que si par sa position cette contrée napolitaine est la partie de l’Italie la moins sensible aux blessures de la domination étrangère, aux irritations du sentiment national, et par suite la moins propre à prendre l’initiative du mouvement, elle subit inévitablement le contre-coup des révolutions qui agitent le reste de la péninsule. On ne peut imaginer le midi de l’Italie immobile, inerte ou ennemi, tandis que le nord se lève pour la patrie commune. La divergence seule engendre l’hostilité, l’hostilité appelle le choc, et le nord déborde sur le midi. À Naples comme ailleurs, ce qui se passe aujourd’hui au-delà des Alpes n’est pas le coup de fortune d’une révolution improvisée : c’est la suite d’un ordre de complications par malheur successivement aggravées ; c’est le dénoûment d’une situation où la nature avait mis le pouvoir de vivre et de durer, où la politique a mis la fatalité des catastrophes.

Je n’irai pas dire que de cette étreinte soudaine du nord et du midi il ne puisse surgir pour l’Italie de singuliers embarras d’assimilation et d’organisation, et que cette épreuve n’eût pu être évitée ou ajournée. C’est ma pensée au contraire que bien des choses récemment accomplies au-delà des Alpes auraient pu être évitées à la condition qu’on eût voulu la première, l’essentielle, la seule inévitable, l’affranchissement national et l’exclusion de l’étranger. Je voudrais dire seulement comment l’orage s’est amassé à Naples et comment à chaque période de cette crise, à mesure qu’elle a grandi, on a fait tout juste ce qu’il fallait pour l’irriter, en ne faisant jamais ou en faisant toujours tardivement ce qui aurait pu la détourner. Cette révolution, telle qu’on l’a vue se dérouler depuis quelque temps à Naples, cette grande décomposition, pour lui laisser son nom, n’est point en effet l’œuvre d’un jour ; c’est le legs fatal d’une politique qui a trouvé surtout sa souveraine expression dans le dernier règne, et qui est venue peser de tout son poids sur un jeune prince dont la seule faute ou le malheur a été peut-être de ne pas puiser dans les événemens le conseil et la hardiesse d’une politique nouvelle.

Qu’on se représente un instant ce qu’était, à la veille encore des plus récentes révolutions, ce beau et grand royaume, qui aurait pu être le premier royaume de la péninsule, et que le système le plus étrange, s’obstinait à retrancher non-seulement de la vie italienne, mais même de la vie civilisée de l’Europe de ce siècle. Avec des lois suffisantes et qui pouvaient passer pour les meilleures de l’Italie, avec une population intelligente et qui n’était nullement ennemie à l’origine, les Deux-Siciles étaient un pays uniquement livré à un gouvernement de police qui avait fini par corrompre et ceux qui en étaient les instrumens et ceux qui en étaient les victimes. C’est là