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qu’il se laissait imposer, et qu’il finissait par s’accoutumer à considérer comme une nécessité, si bien que lorsqu’on lui rappelait quarante prisonniers qui attendaient depuis quatre ans un jugement à Santa-Maria-Apparente, il répondait assez naïvement : « Que voulez-vous ? ils ne sont privés que de la liberté ; si on les met en jugement, ils courent risque de la vie. » C’était une pensée humaine peut-être, mais qui se traduisait par un acte d’administration fort équivoque.

Ce commencement de règne devenait ainsi une déception dans l’ordre intérieur. Les traditions de Ferdinand II étaient plus fortes que tous les conseils, et par sa politique extérieure la nouvelle royauté napolitaine ne se mettait pas moins en contradiction avec une des plus pressantes nécessités du moment, avec un de ses plus évidens intérêts, dirai-je. Par un merveilleux à-propos, François II était assurément le prince le mieux placé pour ouvrir son esprit à quelques-unes des idées qui agitaient l’Italie, pour répondre à l’appel que lui adressait le Piémont, puisqu’il n’avait rien d’autrichien, puisque sa mère avait mis dans ses veines un peu du sang de Savoie. C’était une parenté naturelle qui semblait conduire à un heureux rapprochement politique. Il n’est pas moins vrai que soit sous la pression de la reine-mère et de la cour, soit sous la pression de cette rivalité, de cette jalousie d’importance dont Ferdinand II avait fait une tradition pour la politique napolitaine, soit par un secret effroi de prince absolu en présence de ces mouvemens de nationalité ou surgissait le sentiment populaire, François II se montrait peu Italien. Dès son avènement, il se hâtait de signifier à l’Italie une froide neutralité. L’opinion publique à Naples vibrait au bruit des premières victoires des armées alliées en Lombardie, et le jeune roi, sans soupçonner peut-être la gravité de ses paroles, disait à M. de Kisselef, qui venait le complimenter au nom de l’empereur Alexandre de Russie : « Pour moi, je ne sais pas ce que c’est que l’indépendance italienne ; en fait d’indépendance, je ne connais que l’indépendance napolitaine. » Le sentiment dominant chez François II était une défiance mêlée d’irritation à l’égard du Piémont, dont il voyait ou croyait voir la main partout, dans les moindres mouvemens de l’opinion. Si un libelle circulait à Naples, c’était le Piémont qui était coupable, et le roi lui-même insistait pour qu’on adressât « une note forte et vive » au chargé d’affaires de Sardaigne. On ne pouvait se dissimuler, dans l’intimité de la cour napolitaine, que la guerre c’était un agrandissement probable du Piémont, et un agrandissement du Piémont, selon la mesure qu’il prendrait, c’était une diminution de Naples, qui pouvait passer au second rang en Italie. De là une inquiétude presque fébrile qui se traduisait quelquefois