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et actif, M. de Martino, qui fut chargé de se rendre à Paris pour remplir cette mission délicate.

Mais quels seraient les sacrifices jugés nécessaires ? quelles seraient les conditions essentielles de cette médiation pacificatrice ? — Il n’était pas difficile d’en prévoir quelques-unes : des concessions de liberté intérieure, une alliance italienne avec le Piémont, une organisation nouvelle de la Sicile, qui consacrerait dans une certaine mesure la semi-indépendance de fait qui existait. Le roi ne s’y méprenait pas et se débattait encore. Il ne cachait pas la répugnance que lui inspirait une alliance avec le Piémont. « Pourquoi, disait-il, m’imposer ce pacte ? Je n’ai pas refusé d’entrer dans une confédération, bien entendu sans qu’il soit question de Venise, qui ne me regarde pas, et c’est là toujours la difficulté. Je ne veux pas faire la guerre pour la Vénétie ; le Piémont voudrait m’y entraîner, et je ne me compromettrai pas pour favoriser son ambition. Je suis et veux rester en paix avec l’Autriche. » Quand on parlait de la Sicile, le roi répondait : « La Sicile n’est pas perdue ; nous avons encore Messine, Augusta, Syracuse. Messine peut servir à tout reprendre… Si on donne une organisation distincte à la Sicile, avec une constitution à part, c’est dans peu de temps la séparation complète ; c’est l’annexion au Piémont ou l’indépendance favorisée par l’Angleterre, et je ne pense pas que ce soit l’avis de la France… » François II ne disait pas le vrai de la difficulté au sujet de l’institution d’une vice-royauté en Sicile : c’est qu’on ne sait quel prince choisir… Les oncles du roi, le comte d’Aquila et le comte de Syracuse, étaient écartés, et on ne se souciait pas de nommer le frère même de François II, le comte de Trani. Si enfin l’on cherchait à savoir ce que ferait le gouvernement napolitain dans le cas d’hostilités nouvelles, si Messine serait bombardée comme Palerme, le roi répondait non sans anxiété : « Sans aucun doute, on bombardera, c’est le sort des villes qui se révoltent. Je sais ce qu’il y a d’affreux. Plutôt que de recommencer à Palerme, j’ai subi l’humiliation de traiter avec Garibaldi : cela est affreux ; mais je me suis résigné à faire le sacrifice de ma dignité. Mes troupes se retirent de Palerme. Quant à Messine, je n’ordonne rien, je laisse les généraux libres. Personnellement, je sais ce qu’il y a de douloureux ; comme roi cependant, j’ai des devoirs à remplir… » Ainsi le jeune roi abordait les questions, sentait le péril, et reculait en paraissant faire un pas.

Au fond, François II évait vivement impressionné par tout ce qui l’entourait. Il semblait dès ce moment ne plus tenir à un pouvoir qui cesserait de reposer sur la tradition, et ne remplir son devoir de souverain que par une sorte de cas de conscience ; il était préparé aux catastrophes, et il diasit un jour à M. Carafa : « Il y a tant