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donc presque du simple au double, et la différence tient surtout, on le sait, à la longueur proportionnelle des membres. D’autres espèces domestiques présenteraient des chiffres non moins significatifs, si nous possédions les mesures correspondantes. Tels sont surtout les moutons. Là aussi on trouve des races à longues jambes, par exemple les races kirghises ; mais là aussi existe une race de formation toute récente, et sur laquelle nous reviendrons plus tard avec détail, la race loutre ou race ancon, qui s’est développée dans l’Amérique du Nord. Cette race est parmi les moutons ce que le basset est parmi les chiens, et, à en juger par les dessins que nous avons eus sous les yeux, le rapport de la hauteur à la longueur doit être à peu de chose près le même.

Dans les groupes humains, les dimensions relatives du tronc et des membres ne varient jamais dans des proportions comparables, même de très loin, à ce que viennent de nous montrer les races animales. Les polygénistes ont insisté à diverses reprises sur la longueur du membre supérieur, et surtout de l’avant-bras, chez le nègre. En général, cette longueur est un peu plus considérable que chez le blanc ; mais faut-il voir là une différence comparable à celle que présentent le chien lévrier et le basset, nos moutons et le mouton loutre ? Nos lecteurs peuvent en juger. Nous en dirons tout autant de la longueur des jambes de l’Hindou comparées à celles de l’Européen. La différence fût-elle aussi grande que l’affirment quelques voyageurs, il n’y aurait encore là rien qui approchât de ce que nous venons de rappeler, de ce que tout le monde sait exister chez les animaux.

Au reste, les exagérations relatives aux variations de la taille et des proportions dans les groupes humains s’expliquent aisément par un fait trop souvent oublié. Lorsqu’il s’agit de notre espèce et de certains détails de l’organisation extérieure, notre œil, par suite de l’éducation qu’il s’est faite à lui-même, possède une rigueur d’appréciation qui rend extrêmement sensibles les moindres modifications. Chacun sait avec quelle promptitude il saisit des différences de taille de quelques millimètres, et combien même il se les exagère. Il en est presque de même quand il s’agit du rapport des diverses parties du corps entre elles. Rien de plus facile que de s’en convaincre dans quelqu’un de ces bains publics où la population de nos grandes villes étale tant de tristes exemples de presque toutes les déformations possibles. À la vue de quelques-uns de ces spécimens mal bâtis de la forme humaine, on se dira d’abord, en employant une locution vulgaire : « Ils sont tout jambes. » Qu’on y regarde de plus près, qu’on les compare avec d’autres individus d’une même hauteur totale, et l’on verra qu’entre la longueur des jambes