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pas, lorsque les ministres n’ont à rendre compte de leur administration qu’à celui dont ils reçoivent des ordres, lorsque la même main qui dépense peut puiser à volonté dans le trésor, il est d’un pouvoir éclairé d’appeler, au lieu de les repousser, toutes les formes de contrôle, tous les moyens de garantie, faute de quoi les entraînemens de ceux qui l’entourent et les siens propres créent de nombreux dangers et amènent des conséquences presque toujours funestes.

Le décret du 24 novembre 1860, qu’un commentaire officiel invite à considérer comme la préparation au développement de libertés plus étendues, a peu fait pour accroître les attributions du corps législatif dans le vote des lois, attributions si resserrées par l’intervention constante et prépondérante du conseil d’état. Le retour aux dispositions de l’article 54 du décret du 22 mars 1852, combiné avec la modification qu’apporte au règlement l’article 3 du décret du 24 novembre, ne facilite que dans une faible mesure l’exercice du droit d’amendement. L’innovation est de peu d’importance pour le vote des lois ; elle est nulle pour le vote des budgets, a Ce sera encore, pour emprunter la juste expression d’un membre du corps législatif, ce sera encore le conseil d’état qui fera les budgets de la France[1]. »

Chaque jour plus convaincu des heureux résultats qu’assure l’intervention directe et libre des représentans de la nation dans le règlement de ses intérêts, je me suis proposé de prouver la nécessité de cette intervention par la comparaison des dépenses et des charges publiques sous les divers gouvernemens que la France a vus se succéder depuis le commencement du siècle. Après avoir montré où en sont nos finances et quels périls les menacent, j’examinerai quelle influence ont exercée sur elles les restrictions apportées par la constitution de 1852 au vote des lois de finances. Tel est le but de cet écrit.


I. — LA DETTE PUBLIQUE ET LES BUDGETS.

Le véritable état de nos finances est généralement mal connu. Il faut en chercher les détails dans de volumineux recueils où tout le monde n’a pas l’habitude de lire. Les budgets sont un dédale dans lequel nul n’est certain de ne pas s’égarer. Jamais, même dans les assemblées législatives, la distinction entre les recettes et les dépenses ordinaires et extraordinaires n’a réussi à s’établir complètement au gré de tous ; les dissentimens à cet égard ont de tout temps survécu à la discussion et au vote des budgets ; d’ailleurs de tout

  1. Discours de M. Larrabure dans la séance du 11 juillet 1860.