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Il y a longtemps que nous ne nous étions occupés de la paisible Hollande. Ce pays sensé et pratique a ordinairement le bonheur de ne point faire trop parler de lui. Il faut rendre hommage cependant aux hommes distingués et laborieux dont l’intelligence maintient dans ces tranquilles contrées la saine énergie de la vie politique et la prospérité matérielle. Nous ne pouvons, à ce point de vue, nous dispenser de mentionner les modifications qui viennent de s’accomplir dans le cabinet de La Haye. L’ancien ministre des colonies, M. Rochussen, vient d’être remplacé par M. Cornets de Groot, autrefois conseiller des Indes, et qui fut, il y a quelques années, secrétaire-général du département dont il prend la direction. On augure bien de l’activité de ce ministre appliquée à l’administration coloniale, si importante pour la Hollande. Le ministre des affaires étrangères, M. de Zuylen de Nyevelt, a donné sa démission et a été remplacé par M. de Goes. Mais c’est un fait malheureusement plus grave que des remaniemens ministériels qui cette fois appelle sur la Hollande l’attention et la sympathie de l’Europe. Nous voulons parler de l’effroyable inondation qui a submergé, sur une étendue de 16, 000 hectares, l’un des plus beaux districts de la Gueldre. Les misères où ce désastre a plongé d’industrieuses populations ont été racontées par les journaux, et ont provoqué en Hollande même, dans l’honnête et généreuse Belgique, des manifestations de charité auxquelles, nous en sommes sûrs, la France ne manquera pas de se joindre.

C’est maintenant au-delà de l’Atlantique, dans la république qui était hier un des peuples les plus florissans de la terre, qu’il faut voir éclater une perturbation non moins formidable que les ébranlemens que l’Europe avait redoutés pour cette année. Rien n’arrête et il semble que rien ne puisse arrêter désormais le mouvement séparatiste qui déchire l’Union américaine. Les dernières nouvelles d’Amérique sont profondément attristantes. Non-seulement elles nous montrent les états du sud se détachant l’un après l’autre, mais elles nous apportent les discussions du sénat, et, vue à travers les appréciations réfléchies des citoyens les plus éclairés et les plus éminens des États-Unis, la situation, mieux définie, paraît plus sombre encore. C’est surtout en lisant les discours éloquens de M. Hunter, sénateur démocrate de la Virginie, et de M. Seward, chef désigné de la prochaine administration de M. Lincoln, que l’on ressent cette impression douloureuse. Il n’était guère possible de présenter sous une forme plus modérée et plus nette les prétentions du sud que ne l’a fait M. Hunter. Le sénateur virginien déclare que l’union dans les termes actuels du pacte fédéral ébranle et met en péril la condition sociale des états du sud. La propagande abolitioniste du nord, les lois passées par les états de cette section contre l’extradition des esclaves fugitifs, la part inégale faite à l’expansion des états à esclaves dans les territoires qui restent à conquérir à la race américaine, l’élection enfin d’un président imbu des doctrines contraires aux intérêts des états du sud, tout se réunit, suivant M. Hunter, pour imposer à ces états la séparation comme une nécessité de salut social. Une seule chose pourrait,