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que jamais les seigneurs du pays n’avoient eu tant d’affection aux ducs, au passé, qu’il n’y eust toujours quelqu’un d’eux qui pour ses commodités particulières ne s’adjoignist au parti du roy. Qui n’avoit ouï ou lu cela dont la mémoire estoit encore fraische ? Que le roy de France estoit un grand roy qui ne souffriroit jamais cet angle de pays en repos s’il n’en estoit seigneur irrévocable, et qu’au vrai dire l’assurance de la paix que l’on pouvoit avoir par l’union estoit à préférer à tout ce qu’on sçauroit dire et opposer[1]. » Telle était en effet la vraie morale politique à tirer des longues annales bretonnes : la péninsule devait appartenir à la France sous peine de devenir aux mains de l’Angleterre une sorte de Portugal, où une indépendance nominale aurait à peine voilé les plus tristes réalités de la sujétion. Chaudement commentées par le président Des Déserts, ces bonnes raisons finirent par triompher de toutes les résistances aux états de Vannes. François Ier, conduisant avec lui le dauphin duc de Bretagne, était venu de sa personne dans le duché pour avancer cette grande affaire, et la fascination exercée par sa bonne grâce ne contribua pas peu à l’heureuse issue de la négociation qui assura la perpétuité de l’œuvre commencée par Charles VIII et compromise par Louis XII. Le 4 août 1532, les trois états, étant tombés d’accord après de longues et orageuses délibérations, présentèrent au roi une requête afin d’unir à tout jamais le duché de Bretagne à la couronne, à la condition expresse que le roi s’engagerait à conserver tous les droits, privilèges et libertés de la province, et que le dauphin, entrant à Rennes comme duc de Bretagne, y prêterait le même serment. La requête des états fut acceptée par le roi dans les termes mêmes où elle lui avait été présentée, et afin de confirmer d’une manière à la fois plus éclatante et plus précise les engagemens pris par la couronne, François Ier les consigna dans des lettres-patentes[2].

L’édit de François Ier, se référant à tous les actes antérieurs, maintenait en pleine vigueur, sauf ce qui se rapportait à la succession ducale, tous les articles énoncés au contrat de mariage d’Anne de Bretagne avec Louis XII. La puissance législative continuait donc d’appartenir en Bretagne aux états, et la puissance judiciaire au parlement, sauf les cas d’appel déterminés ; les impôts ne pouvaient y être consentis que par les trois ordres périodiquement assemblés. Il était même certaines contributions indirectes, connues sous le nom des billots, exclusivement affectées à des besoins locaux spécifiés ; enfin aux termes des articles consentis par Louis XII, articles que

  1. Histoire de Bretaigne, liv. XII, ch. 70.
  2. Voyez l’édit de François Ier et l’acte intitulé Confirmation des privilèges de Bretagne, août 1532. — Preuvesvde dom Morice, t. III col. 999 et suiv.