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l’honneur breton interdit d’ailleurs à la noblesse d’invoquer jamais, les gentilshommes demeuraient libres de ne pas suivre le roi à la guerre au-delà des frontières, et les bénéfices ecclésiastiques de la province ne pouvaient être conférés qu’à des sujets bretons. Tel était le gouvernement que François 1er et le chancelier Duprat promettaient solennellement à la Bretagne au moment où ils détruisaient en France la monarchie des états et où se fondait sur la violence et la vénalité le régime du bon plaisir ! On préparait à Vannes une ère parlementaire, à Fontainebleau le gouvernement de Mme de Pompadour !


II

Quoi qu’il en soit, la Bretagne prit au sérieux les promesses royales : à partir de ce jour, la monarchie française put en échange compter sur son dévoilement inaltérable. Dans les deux siècles et demi qui séparent la date de 1532 de celle de 1789, il ne se rencontre pas une occasion où cette grande province ait hésité sur ses devoirs, envers la France, où même elle ait eu la pensée de se prévaloir de ce qu’il y avait dans les engagemens contractés envers elle de dispositions incompatibles avec la sûreté et la grandeur du royaume ; elle demeura toujours en effet, jusque dans ses revendications les plus chaleureuses, fort au-dessous de ses droits et de ses titres. Aux temps même les plus critiques du XVIe siècle, lorsque la population bretonne, demeurée profondément catholique malgré l’invasion de la réforme, s’arma presque tout entière pour prévenir l’établissement d’une royauté protestante, la Bretagne n’accueillit pas un moment, malgré l’insidieuse habileté d’un gouverneur traître à la couronne qui l’avait choisi, la pensée de reprendre une indépendance dont un demi-siècle seulement la séparait, et les ligueurs n’y repoussèrent pas avec moins d’énergie que les royaux les efforts persévérans tentés par la maison de Lorraine et par l’Espagne pour détacher cette province de la France. Durant les guerres de religion, le peuple breton déploya, au paroxysme le plus animé de la lutte, une rectitude d’esprit politique qu’il est bon de faire connaître et légitime d’honorer. Plus tard, d’amers débats, prolongés jusqu’à l’ouverture de la révolution française, s’engagèrent encore entre les états de Bretagne et la couronne. Et comment pouvait-il en être autrement lorsque la charte donnée par la reine Anne en 1498 afin de préparer la séparation du duché était devenue, en 1532, le texte même de l’acte d’union avec la monarchie ? Mais si vifs qu’aient été ces conflits, ils n’ont jamais suscité dans la péninsule ni une pensée hostile à l’unité de la monarchie, ni un regret