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Un autre fait qui influe d’une manière fâcheuse sur la situation financière du service télégraphique est le prix élevé qu’il paie indirectement à l’état pour le monopole dont il jouit. On ne peut évaluer la somme sacrifiée pour transmettre les dépêches officielles à moins de 100,000 fr. par mois, ce qui ferait au moins 1,200,000 fr. par an. L’usage du télégraphe, il faut le dire hardiment si l’on veut provoquer une diminution des tarifs, a été porté jusqu’à l’abus par le gouvernement : chaque jour, un extrait abrégé du Moniteur est transmis à toutes les préfectures, et il est certain que le journal officiel ne fournit pas chaque matin la matière d’une dépêche télégraphique assez importante pour justifier, même momentanément, l’interruption de toutes les communications privées avec nos quatre-vingt-neuf chefs-lieux de département. Parmi les services imposés à l’administration, il en est encore un autre gratuit et journalier : c’est l’envoi du cours de la rente à toutes les stations. Cette mesure ne sert que la spéculation, car les capitaux qui cherchent un placement sérieux sont patiens et savent attendre au moins vingt-quatre heures : d’ailleurs les intérêts particuliers doivent s’éclairer comme ils le peuvent, et on ne voit pas pourquoi un banquier et un spéculateur de Marseille ou de Bordeaux auraient plus de droit à être renseignés gratuitement sur les cours de la Bourse qu’un fermier de la Beauce sur les cours du blé dans la Flandre et dans la Brie. La publicité des journaux suffirait assurément au plus grand nombre, et les plus impatiens devraient être contraints de satisfaire leur curiosité à leurs propres frais. Il est un troisième service onéreux pour l’administration télégraphique : je veux parler du service météorologique. Tous les jours, on voit maintenant dans les feuilles publiques l’état de la température, la hauteur du baromètre, la direction du vent dans les grandes villes du territoire français. Ces renseignemens sont centralisés à l’Observatoire de Paris et y servent d’élémens à la science météorologique. Rien de mieux assurément que de recueillir et de comparer ces chiffres sur un grand nombre de points : ce qu’on comprend moins bien, c’est la nécessité d’en imposer la transmission régulière aux lignes télégraphiques.

Au point de vue financier, on voit quelles difficultés présente la question des tarifs. Charges trop lourdes de l’administration, état incomplet du réseau, obligation d’ouvrir chaque jour de nouveaux embranchemens, peu productifs au début, inertie du public, qui n’use pas assez du nouveau mode de communication pour ses intérêts privés, faible succès obtenu par les tarifs exceptionnels de 1 fr. et de 1 fr. 50 cent, pour la correspondance départementale et bi-départementale, voilà en résumé les argumens que peuvent faire valoir les adversaires de l’abaissement des taxes. Ceux au contraire qui en sont partisans ne se laissent point arrêter par ces considérations.