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nos lignes télégraphiques : dépêches de vingt mots, 1 franc pour le même département ou un département limitrophe, — 2 francs pour tout le reste de la France. Ce tarif est calculé dans l’hypothèse qu’il fera naître 8 millions de dépêches par an. L’année 1859, avec les tarifs actuels, n’en a fourni que 453,998 : il faut donc, pour arriver au chiffre de M. Marqfoy, admettre que l’adoption de son tarif amènerait seize fois plus de dépêches dans les bureaux de l’administration. Cette affluence d’expéditeurs obligerait à construire de doubles lignes, sur les parties du réseau qui viennent aboutir a Paris, car dès aujourd’hui la plupart de ces grandes lignes produisent à peu près tout le travail qu’on peut leur demander. Ces doubles lignes seront bientôt nécessaires, même avec le système des taxes actuelles, et si l’on adopte un tarif unique et peu élevé, il n’est pas douteux qu’on doive les construire en utilisant les anciennes routes après avoir tiré parti des chemins de fer. Quand la ville de New-York seule envoie ou reçoit 800,000 dépêches par an, presque le double de ce que l’on compte aujourd’hui pour la France entière, n’est-il pas évident que, sous l’empire de tarifs nouveaux, on arriverait aisément dans notre pays au chiffre de 8 millions de dépêches annuelles ? Je lis dans une étude sur la télégraphie aux États-Unis, de M. Blerzy, que Cincinnati, ville d’importance secondaire, enregistre annuellement 273,750 dépêches ; n’y a-t-il pas dans nos grandes villes, dans nos ports, assez de richesse, assez d’intérêts, assez de mouvement d’affaires et de commerce pour nous permettre de penser que notre infériorité actuelle, en ce qui concerne la correspondance télégraphique, ne tient qu’au taux exorbitant des tarifs ? Qu’est-ce qu’un chiffre annuel de 8 millions de dépêches ? C’est moins d’une dépêche pour quatre habitans.

Il y a lieu d’espérer que le principe de l’unité de tarif sera bientôt adopté, malgré tous les argumens qu’on peut faire valoir contre ce système. Il a cela d’avantageux qu’il permet une très grande simplification dans le service ; mais il ne faut point se le dissimuler, une taxe uniforme n’a de bons résultats que si elle est très peu élevée. Il ne suffit pas d’ailleurs que le tarif soit abaissé, il faut de plus que l’emploi du télégraphe devienne aussi aisé que possible ; aujourd’hui les rapports du public avec l’administration sont beaucoup trop difficiles et trop gênans : il faut que l’expéditeur se présente dans un bureau, souvent qu’il attende, qu’il donne une signature sur un registre à souche. Toutes ces formalités sont, supprimées dans le système de M. Marqfoy. La constatation de l’identité est reconnue inutile ; chaque mot comptant pour un dans l’application de la taxe, l’expéditeur peut calculer lui-même le prix de sa dépêche et l’acquitter à l’aide de timbres-dépêches. Il jette son télégramme signé et affranchi dans une boîte, comme on fait pour les lettres,