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plus ou moins nettement de leurs races mères. Ce qu’on vient de voir chez le mouton et le cheval, on le retrouverait dans toutes nos espèces domestiques, et nous allons aussi le constater chez l’homme.


III. — VARIETES ET RACES HUMAINES.

En abordant cette partie de la question, je crois inutile d’insister beaucoup pour démontrer qu’il se produit journellement dans l’espèce humaine des variétés comparables à celles qui chez les animaux s’éloignent le moins du type premier. La naissance d’un enfant à teint clair chez une population à teint foncé, d’un blond dans une race brune, ou réciproquement, appellent à peine notre attention, à moins que la différence ne soit très grande et le cas très exceptionnel. C’est à ce dernier titre par exemple que divers voyageurs ont signalé la présence d’individus, soit de l’un, soit de l’autre sexe, qui, au milieu de populations malaises, présentaient le teint et les cheveux des races blanches les mieux caractérisées. Remarquons seulement que ces faits sont de même nature que ceux que nous voyons se montrer dans nos races les mieux assises, et que caractérise une couleur déterminée lorsqu’il naît un jeune qui présente des teintes différentes. Il n’est guère plus nécessaire de prouver que l’écart est parfois chez nous, comme chez l’animal, beaucoup plus considérable. Alors nous le taxons de difformité. La plupart de mes lecteurs, peut-être tous, auront sans doute rencontré un ou plusieurs individus à jambes de moitié trop courtes et tordues comme celles d’un basset, et ils n’auront pu refuser un regard de commisération à ces êtres disgraciés ; mais des variétés de cette importance pourraient-elles se perpétuer chez nous, se transmettre de génération en génération et devenir la souche d’une race ? Les faits répondent ici affirmativement, et de la façon la plus décisive. Indiquons rapidement quelques exemples.

Edward Lambert, né en 1717 de parens parfaitement sains, ne présenta rien de remarquable pendant les neuf premières semaines qui suivirent sa naissance. À cette époque, sa peau commença à brunir et s’épaissit de plus en plus. À quatorze ans, il fut présenté à la Société royale de Londres, et voici ce qui fut constaté. Le visage, la paume des mains et la plante des pieds ne présentaient chez lui rien d’anomal ; mais tout le reste du corps était couvert d’une sorte de carapace brunâtre, épaisse d’un pouce et plus, irrégulièrement fendillée, et qui, sur les flancs, était divisée de manière à figurer grossièrement les piquans d’un porc-épic, circonstance qui valut à Lambert le surnom sous lequel il est resté célèbre. Tous les ans, cette carapace tombait par suite d’une sorte de mue ; la peau reparaissait