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que les documens décrits par Papillon et commentés à tout hasard par Zani. Heinecke et les autres iconographes de son pays apportent sans doute dans la critique des habitudes un peu hautaines, un zèle patriotique parfois excessif ; il n’en est pas moins vrai que le plus souvent ils citent à l’appui de leurs opinions, non pas des traditions, mais des pièces, et que la plupart de ces pièces sont visiblement allemandes. Si quelques-unes d’entre elles ne justifiaient pas suffisamment l’origine qu’on leur attribue, ce ne serait pas en tout cas à l’Italie, ce serait à la Flandre ou à la Hollande qu’il faudrait les restituer.

Dans ce conflit de rivalités et de revendications nationales, les écoles des Pays-Bas en effet auraient, elles aussi, des droits à faire valoir et leur part d’honneur à réclamer. Qui sait même ? Ces droits, assez généralement méconnus vers la fin du siècle dernier, peut-être doit-on les admettre aujourd’hui de préférence à tous les autres ; peut-être, dans cette obscure question de priorité, les présomptions sont-elles favorables surtout au pays qui fournit à un art en parenté avec la gravure ses premiers élémens et ses premiers modèles. Je m’explique : il nous messiérait à tous égards de prétendre donner ici un historique détaillé des débuts de l’imprimerie. Après tant de travaux approfondis sur ce sujet, après les éclaircissemens historiques donnés par MM. Léon de Laborde, Bernard, plus récemment encore par M. Paeile, auteur d’un remarquable Essai sur l’invention de l’imprimerie, ce serait vouloir de gaieté de cœur tomber dans les redites et se parer d’érudition à peu de frais. Toutefois la découverte de la gravure tient de si près à la découverte de l’imprimerie, les moyens matériels ont entre eux une telle analogie qu’il est nécessaire de rappeler au moins quelques faits et de rapprocher quelques dates, sauf à réduire aux proportions d’une esquisse le tableau tracé par d’autres mains.

Si l’on entend par le mot « imprimerie » la typographie proprement dite, en d’autres termes l’art qui consiste à transporter sur le papier un texte composé de types en relief, métalliques et mobiles, nul doute que l’invention de l’imprimerie ne doive dater du jour où eut lieu à Mayence l’invention de la fonte des caractères dans un moule au fond duquel le type à reproduire avait été frappé à l’aide d’un coin d’acier. Gutenberg, à qui appartient l’idée de ce perfectionnement décisif, est par conséquent le plus ancien des imprimeurs ; les Lettres d’indulgence de 1454 et la Bible sont les plus anciens monumens de l’art qui se personnifie en lui. On peut dire pourtant, en généralisant le sens du mot, qu’avant Gutenberg, ou du moins avant l’époque où il imprimait ces chefs-d’œuvre typographiques, l’imprimerie était découverte, car on n’ignorait dès lors ni le secret de tirer des épreuves d’un texte composé de types fixes