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le saint Christophe de 1423 ; oui enfin, M. Passavant ne dit rien que d’exact quand il constate que cette Flagellation est antérieure de vingt années à la première estampe italienne avec date. Seulement la date inscrite est-elle tout en ceci, et parce que cette sorte de timbre officiel manque aux travaux de Finiguerra par exemple, aura-t-on le droit de les mettre ainsi hors de cause, de ne pas mesurer l’intervalle, non plus de vingt années, mais de six, qui les sépare en réalité des premières estampes allemandes ? Pourquoi d’ailleurs attacher tant de prix à ces rapprochemens chronologiques et négliger les termes de comparaison qu’il importerait avant tout de choisir ? Pourquoi en pareille matière n’avoir d’yeux que pour les chiffres, de goût que pour les arguties, de zèle que pour les progrès d’une étroite érudition ? Circonscrire l’étude des origines de la gravure, tantôt dans les limites d’une question de géographie, on dirait presque de clocher, tantôt dans le cercle de l’archéologie pure, c’est matérialiser l’histoire de l’art, ou tout au moins la réduire aux proportions d’une expérience scientifique ; c’est se condamner et condamner les autres à la fatigante besogne de décomposer cette histoire en détails infinis et d’étiqueter un à un jusqu’aux moindres Siemens de l’ensemble, jusqu’aux plus humbles faits partiels.

Passe encore s’il s’agissait seulement d’interroger les vieux monumens de la gravure sur bois, de demander le secret des progrès futurs à ces préliminaires de la gravure sur métal et de la typographie. L’intérêt tout spécial qui s’attache aux perfectionnemens successifs du moyen servirait ici de justification ou d’excuse à un examen même un peu minutieux ; mais lorsque les ressources dernières du procédé ont. été une fois fixées et définies, lorsque la découverte de l’art d’imprimer les planches gravées en creux est venue clore la série des épreuves et des recherches techniques, à quoi bon insister sur ce qui n’est même plus une promesse et préférer aux claires informations que le talent pourra nous fournir désormais les renseignemens incomplets ou les maladresses obstinées de la pratique ? Maintenant que l’art parle net dans les, œuvres des maîtres, il est au moins inutile d’en écouter ailleurs et d’en traduire encore les bégaiemens ; il est injuste d’accepter avec plus d’empressement et d’analyser avec une attention plus scrupuleuse les témoignages issus de bas lieu que les preuves venues d’en haut, de nous cacher ce qui est beau pour ne nous montrer que ce qui est rare. Il est dangereux enfin de s’armer trop résolument des argumens dont les dates séides font l’éloquence, car, si péremptoires qu’ils semblent aujourd’hui, ces argumens recevront peut-être demain tel démenti matériel qui en anéantira tout d’un coup la valeur. On a retrouvé déjà des gravures sur métal datées de 1451 et même de 1446 ; qui empêche qu’on ne réussisse aussi bien à mettre la main sur d’autres pièces