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reformés ; mais qu’il s’entende ou non avec M. de Cavour, M. Ricasoli n’est point républicain. Il éprouve un sentiment de lassitude et d’impatience à l’égard du parti mazzinien, qui veut faire croire à la force et à la décision qui lui manquent en se couvrant d’un mystère dont il étend par calcul la pénombre jusqu’à la personnalité capricieuse et chagrine du bon Garibaldi. En donnant au général des volontaires un impérieux rendez-vous devant le parlement, M. Ricasoli avait évidemment l’intention de le faire sortir de sa menaçante indécision. Il se proposait de lui demander amicalement, mais en face, ce qu’il est, ce qu’il veut, s’il travaille pour son pays en acceptant la discipline que les intérêts de la patrie imposent à ses défenseurs, ou bien s’il songe par hasard à se faire une position exceptionnelle et supérieure aux pouvoirs légaux. Si la rencontre a lieu, la parole brève du Florentin, son geste brusque, sa main fermée qui fait résonner la table à chaque mot qu’il prononce, sa terrible figure, fine, tranchante et réfractaire au sourire, donneront à ses paroles un accent qui forcera Garibaldi à s’expliquer, mais déjà peut-être le discours par lequel M. Ricasoli a annoncé ses interpellations a-t-il produit sur l’âme loyale du dictateur l’impression que l’on attendait des interpellations mêmes. Les nouvelles télégraphiques sembleraient indiquer que le travail de conciliation est déjà bien avancé. Que Garibaldi consente à se concerter avec les hommes qui partagent avec lui le mérite d’avoir préparé l’unité de l’Italie, et il est permis d’espérer que la paix, si nécessaire au nouveau royaume, ne sera point compromise par un coup de tête insensé.

La plus simple sagesse commande au moins aux Italiens de surveiller et d’attendre l’expérience qui commence en Hongrie. Là encore les perspectives sont loin d’être favorables à l’Autriche. La diète hongroise s’est réunie le 6 avril. Pour bien comprendre les péripéties de la lutte qui va s’engager à Pesth, il faut se rendre compte du but que les Magyars se proposent, et de l’état où est la Hongrie depuis que l’empereur d’Autriche a inauguré par le diplôme d’octobre le système des concessions. La cour de Vienne, par ses réformes récentes, cherche à substituer à la centralisation matérielle et bureaucratique qui a conduit l’empire à la ruine cette centralisation par la liberté qui se réalise au moyen des institutions représentatives ; en d’autres termes, elle s’efforce à la fois de se concilier les diverses nationalités de l’empire en leur rendant l’autonomie administrative, et de maintenir l’unité politique de l’état en réunissant dans un parlement central les représentans des nationalités diverses. Cet essai n’est-il point trop tardif ? Les événemens prochains le diront. Les conséquences de l’échec seraient si graves pour l’Europe, la dissolution de l’empire autrichien laisserait vide une si grande place, tant de faiblesse succéderait parmi ces nationalités divisées à une force dont le contre-poids est nécessaire pour contenir des ambitions voisines, que les esprits libéraux doivent souhaiter que la tentative autrichienne soit pratiquée sincèrement et couronnée de succès. Malheureusement