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faite chez les animaux et les plantes au point de vue de la question qui nous occupe, conduit à deux résultats également importans. D’une part, elle confirme tout ce que nous avons dit de l’espèce et justifie les termes de la définition que nous avons proposée ; d’autre part, elle différencie nettement l’espèce et la race, et donne le moyen de les distinguer. Ce terme de comparaison une fois acquis, l’application à l’homme en sera facile, et le lecteur jugera par lui-même laquelle des deux doctrines que nous opposons l’une à l’autre concorde avec les faits, laquelle est en opposition avec eux.

Définissons d’abord quelques termes qui vont revenir à chaque instant. — Les botanistes ont désigné depuis longtemps par le mot d’hybride le produit d’un croisement quelconque ; mais, éclairés par l’expérience, ils ont distingué de bonne heure les hybrides vrais des faux hybrides. Tout a confirmé la justesse de cette distinction. D’autre part, les zoologistes ont généralement employé le nom de métis, passé aujourd’hui dans le langage des éleveurs. En conservant ces deux termes, nous en étendrons la signification aux deux règnes. Le métis sera l’animal ou le végétal produit par le croisement d’individus de races différentes[1] ; l’hybride sera l’animal ou le végétal produit par le croisement d’individus de deux espèces différentes[2]. Ces deux sortes de croisemens seront d’ailleurs exprimés par les termes de métissage et d’hybridation, celui-ci consacré par un usage général chez les botanistes, le premier employé fréquemment par les zootechnistes, mais tous deux devant s’appliquer aux animaux aussi bien qu’aux végétaux.

Occupons-nous d’abord du métissage dans les deux règnes, et distinguons, comme lorsqu’il s’est agi de la sélection, le cas où les forces naturelles agissent seules de celui où l’intervention de l’homme joue un rôle toujours considérable et parfois prépondérant. Le métissage naturel chez les végétaux semble d’abord assez difficile à comprendre. Les plantes, les arbres sont fixés au sol, les pistils et les étamines soudés à demeure et protégés d’ordinaire par une double enveloppe[3]. Il semble impossible que le mélange des races s’opère, mais des étrangers pénètrent dans ces asiles si bien clos en apparence. Le vent par exemple secoue les anthères ouvertes[4], se charge du pollen qu’elles laissent échapper, et vient le déposer sur

  1. Nos métis répondent aux hybrides faux des botanistes, aux métis homoïdes de M. Isidore Geoffroy.
  2. Nos hybrides répondent aux hybrides vrais des botanistes, aux métis hybrides de M. Isidore Geoffroy.
  3. Par les feuilles du calice et de la corolle. On sait que l’un des deux manque souvent.
  4. L’anthère est un petit sac membraneux porté à l’extrémité du filet de l’étamine organe mâle, et dans lequel se développe le pollen ou poussière fécondante des végétaux.