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se conserve-t-elle dans les enfans ? Ici encore tenons-nous-en provisoirement aux grands faits, et bornons-nous à rappeler ce qui s’est passé, ce qui se passe encore sous nos yeux dans l’Amérique centrale et méridionale. Là se sont trouvés juxtaposés les représentans du groupe blanc, ceux du groupe noir, et ceux d’un troisième type différent des deux précédens, mais nullement intermédiaire entre eux ; trois espèces bien distinctes, disent les polygénistes, trois races, disons-nous. En dépit de tout ce qui séparait, de tout ce qui sépare encore ces trois groupes si divers, si inégaux, des unions ont eu lieu de l’un à l’autre. Nous savons qu’elles ont été faciles et fécondes. Les enfans ont-ils hérité de cette fécondité ? Ont-ils été capables de se reproduire à leur tour ? Ici ce n’est plus un seul homme illettré ou savant, naturaliste ou anthropologiste, qui répond ; ce sont les populations elles-mêmes qui, pour traduire les résultats dans le langage, ont été forcées d’inventer partout un vocabulaire nouveau[1], et encore, — bien des voyageurs l’attestent, — ce vocabulaire est-il loin de rendre toutes les nuances de traits, de couleurs, de caractères de toute sorte que présentent ces populations cent fois croisées et toujours fécondes à tous les degrés de ce croisement illimité. Partout c’est par degrés, par nuances insensibles, que l’on passe de l’homme rouge à l’homme blanc, de celui-ci à l’homme noir, et ce mélange des sangs, cette fusion des races, commencée aux premiers temps de la conquête, aux premiers jours de l’introduction des nègres, n’a nulle part présenté plus de difficulté à se produire que s’il se fût agi de trois peuples de même race.

  1. Nous empruntons à l’Histoire du Mexique, par M. de Larenaudière, le vocabulaire suivant, qui indique les divers degrés du mélange opéré entre les trois races blanche, noire et rouge. Il est d’ailleurs facile de voir que ce tableau est lui-même incomplet, puisqu’il renferme un mot dont la définition manque.
    Mestisa produit d’un Espagnol et d’une Indienne
    Castisa — d’une métisse et d’un Espagnol
    Espagnola — d’un castiso et d’une Espagnole
    Mulâtre — d’une Espagnole et d’un nègre
    Morisque — d’une mulâtresse et d’un Espagnol
    Albino’ ' — d’un morisque et d’une Espagnole
    Tornatras — d’un albinos et d’une Espagnole
    Tentinelaire — d’un tornatras et d’une Espagnole
    Lovo — d’une Indienne et d’un nègre
    Caribujo — d’une Indienne et d’un lovo
    Barsino — d’un coyote et d’une mulâtresse
    Grifo — d’une négresse et d’un lovo
    Albarasado — d’un coyote et d’une Indienne
    Canisa — d’une métisse et d’un Indien
    Meckino — d’une lova et d’un coyote


    Quelques-uns de ces termes ont ailleurs qu’au Mexique une signification différente ; plusieurs sont remplacés par d’autres expressions.