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« Le célèbre major Sinclair avait, pendant sa captivité, ôté la vie à un sous-officier nommé Lod. Il ressentait une haine mortelle contre les Russes, et disait souvent qu’il ne voulait pas aller dans le royaume des cieux, s’il devait y rencontrer des Moscovites. En expiation du meurtre qu’il avait commis, il fut assassiné par des émissaires russes.

« Artedi, qui détestait mortellement les Hollandais, alla se noyer précisément à Amsterdam.

« L’amiral danois Tordenskiold fut tué en duel par un Suédois à Hambourg ; mais il avait un jour tué d’un coup de fusil un mousse qui était en haut d’un mât.

« C… tue son beau-frère de trois balles dans l’estomac. Il échappe faute de preuves. Quelques années après, trois ulcères sur l’estomac le font périr dans d’affreuses douleurs.

« Un paysan de Tavastehus avait l’habitude d’égorger les voyageurs qui lui demandaient l’hospitalité. Un voyageur arrive, demande à coucher, prend par hasard un autre lit que celui qui lui était destiné, et le paysan égorge son propre fils.

« Un meurtre est commis en Norvège. Comme on ne peut découvrir le véritable assassin, on tire au sort entre trois accusés pour savoir lequel sera décapité. Le sort désigne le moins coupable, et le roi le condamne à mort ; mais notre homme ne veut pas mourir, proteste de son innocence, et la démontre comme deux et deux font quatre. La cause est renvoyée au roi, qui, occupé d’autres affaires, ne lit pas la nouvelle procédure et dit : « Il est condamné à mort, il faut qu’il meure ! » Le prisonnier apprend cette réponse, et le voilà désespéré. Alors l’avocat va le trouver et lui dit : « Je vois que le jugement de Dieu pèse sur vous ; innocent aujourd’hui, vous devez avoir contracté quelque dette de sang. » Et le prisonnier lui répond : « Oui, je reconnais la justice de Dieu. C’est moi qui, il y a cinq ans, ai commis cet autre meurtre dont l’auteur est resté jusqu’aujourd’hui complètement inconnu. »

Sur les préceptes moraux qui suivent celui où il est question du meurtre, Linné insiste peu et n’indique qu’en passant l’application de la sanction divine. Toutefois il la montre toujours certaine et toujours terrible. L’infidélité qui trouble, après l’avoir déçu, un cœur pur, simple et aimant, évoque infailliblement la Némésis. Indigné des mœurs de son temps, qui dédaignent la pureté des mœurs et insultent au mariage, il fait voir par des exemples les premiers triomphes de la passion impure conduisant presque toujours au crime ; celui dont l’impiété a troublé la paix d’une famille cherchera vainement la paix lui-même, et les époux sur le passé desquels pèse quelque faute vivront nécessairement dans la discorde et la haine, en dépit des prières. Quant aux basses intrigues par lesquelles l’égoïsme prépare la ruine imméritée du prochain, Linné témoigne pour elles la même aversion que le meurtre lui inspirait, et invoque la même vengeance. Le baron