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Scind, qui semble privilégiée pour la production à bon marché d’une fibre analogue à celle du mako. Les populations du Scind sont, comme les fellahs de la vallée du Nil, intelligentes, laborieuses. La température est à peu près égale à celle de l’Égypte, les deux contrées se trouvant sous la même latitude. Le sol enfin ne le cède pas en fertilité aux meilleures terres du delta d’Égypte, et il est, comme celles-ci, annuellement enrichi par le limon qu’y déposent les eaux de l’Indus, dont les inondations sont périodiques. Le seul drawback de ces irrigations naturelles est dans leur fréquence et leur pétulance hors de saison. Les dégâts que l’irruption des eaux vagabondes du fleuve cause à l’agriculture, et contre lesquels celle-ci n’a jamais opposé d’obstacle sérieux, a empêché la spéculation de se tourner vers une contrée dont la richesse un jour ne sera pas surpassée.

Un fonctionnaire distingué qui appartenait à l’administration du Scind, M. Frère, s’est beaucoup occupé des questions se rattachant à la canalisation et à la correction des eaux de l’Indus dans ses divisions et subdivisions, ainsi que du meilleur mode d’irrigation des terrains. Il se proposait de rendre le plus de terres possible à la culture, et d’introduire dans cette province le coton d’Abyssinie ou mako. M. Frère, homme pratique et persévérant, avait si bien compris l’importance de cette province et des. autres districts agricoles des Indes britanniques, qu’il fit étudier à diverses reprises le système, encore bien défectueux, de culture et d’irrigation adopté en Égypte. En 1856, il envoya au Caire un jeune officier de mérite, M. F…, capitaine au corps des ingénieurs de Bombay. M. F…, avec qui nous fûmes en relation, visita les principaux canaux de la basse et moyenne Égypte, les provinces renommées pour leur production cotonnière et leur irrigation. Il eut plusieurs conversations avec Linand de Bellefonds-Bey, ingénieur français au service du pacha et l’homme le plus compétent dans les questions de ce genre en Égypte[1]. Après un examen approfondi de tout ce qui pouvait éclairer sa mission, M. F… quitta l’Égypte, convaincu que M. Frère n’avait pas estimé trop haut les capacités productives du Scind. Les idées de M. Frère firent bientôt route vers l’Angleterre, et arrivèrent jusqu’au public manufacturier. Malheureusement ces appels indirects furent mal écoutés. Les têtes couronnées du Lancashire et du Yorkshire se retranchèrent derrière une sorte de dédain qu’ailleurs on qualifierait d’ignorance de parvenus. Ils ne virent rien au-delà

  1. M. Linand de Bellefonds est l’auteur d’un système de barrage pour le Nil, opposé à celui dont M. Mougel a embarrassé le fleuve, et qui, s’il eût été adopté, eût épargné d’immenses dépenses à l’état et des dangers incalculables à la navigation du fleuve et à ses riverains.