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États-Unis y seraient égalées, sinon surpassées, et outre l’impulsion que communiquerait au commerce local l’exportation de ce produit, l’agriculture aussi bien que l’industrie en recevraient un secours qui ne peut avoir échappé aux promoteurs du mouvement. La semence de coton est au lainage brut comme deux est à trois. Pressée, elle fournit une huile qui se prête à diverses combinaisons économiques, et les tourteaux qui en résultent forment un aliment des plus nourrissans pour le bétail, ce qui a bien son mérite dans un pays où la sécheresse détruit quelquefois les pâturages les plus riches.

Mais ce n’est pas seulement la Grande-Bretagne qui doit viser haut et juste au cœur de cet ennemi qu’une dépendance presque complète d’un pays producteur avait créé pour son industrie cotonnière. Les autres états de l’Europe ont, dans des conditions différentes, les mêmes intérêts à sauvegarder. Que la France surtout ne l’oublie pas, c’est avec de l’or que l’on fait de l’or. En vouloir gagner beaucoup sans rien exposer est une folie que plusieurs appellent sagesse, et qui conduit à l’atonie générale. Lorsque les mers sont bien gardées et bien protégées par une marine respectable comme celle dont la France peut s’enorgueillir aujourd’hui, le commerce et l’industrie ont le champ ouvert, les capitaux doivent sans hésiter répondre à l’appel des vrais besoins de la nation. La France a sur la côte d’Afrique des établissemens d’où elle pourrait partir pour s’étendre à l’intérieur, le long de la rivière Gambie, avec les mêmes élémens de succès que l’Angleterre à Abbeothuta. Pour l’intérêt commun de l’industrie cotonnière du continent, il convient que la France ne reste pas étrangère au mouvement dont l’Angleterre donne à ce moment le signal. Ce que le traité de commerce a commencé doit recevoir le plus tôt possible son complément par une entière franchise douanière, et lorsque l’industrie des filateurs trouvera des marchés bien approvisionnés de matière première, des navires allant partout et à bon compte pour porter ses produits, son accroissement et sa prospérité ne seront plus en question.

Mais, encore une fois, quand ces avantages pourront-ils être réalisés ? A quoi bon s’en inquiéter ? pourrait-on répondre. Le jour où l’Australie produira du coton en grande quantité, l’équilibre que menacent de compromettre les querelles du grand ménage américain aura été rétabli. Et puis, malgré tous les soins que la métropole prend maintenant pour obtenir son coton dans ses propres possessions, ce sera toujours le lainage le meilleur, et au meilleur marché possible, que l’industrie anglaise achètera. Après la catastrophe dont les états à esclaves sont menacés et la paix dont cette calamité, si elle a lieu, sera indubitablement suivie, ces républiques,